mardi 29 septembre 2009

En jaune et noir…

Je ne résiste pas encore au virus de la politique… En Allemagne aussi les sondages ne sont pas très fiables, puisqu’une partie du résultat des élections de dimanche a surpris, au moins dans son ampleur. Le SPD a reçu une splendide raclée, perdant plus de 11 % des votes et 74 sièges (plus de 30 % des sièges qu’il avait auparavant). C’est la débâcle partout, le pire score jamais obtenu par ce parti depuis la guerre – 23 %, ce qui contenterait bien des socialistes français , mais il atteignait il y a peu les 40 %. Finalement, les moulins à vents distribués par les militants avaient un sens. Or, le parti plus à gauche, Die Linke, progresse très nettement partout (12,2 % des voix, soit plus 3,5 %, un gain de 24 sièges), et les verts obtiennent aussi un score sans précédent (10 % des voix). On pourrait être tenté de conclure que le SPD a été puni de d’avoir été assez à gauche. Ce serait aller un peu vite en besogne. En effet, il ne faut pas considérer, comme la plupart de la presse française, que la droite qui soutient la chancelière, la CDU et la CSU, a pour autant triomphé : les deux Unions se tassent et perdent 14 sièges. Pire, la CSU, le parti de la droite bavaroise, à la domination écrasante, obtient son plus mauvais score (42,6 %, ça fait rêver, mais il flirte habituellement avec les 50). A Munich, c’est aussi une grosse surprise. A droite, le vainqueur est le FDP, le parti libéral, qui obtient un score historique avec 14,5 % des voix (+ 31 sièges). En fait, les vainqueurs sont précisément tous les partis qui étaient dans l’opposition. Si l’on ajoute la progression de l’abstention, on a la nette impression que c’est avant tout le mécontentement face au gouvernement actuel, le rejet de la grande coalition, qui l’a emporté. Le SPD a sans doute payé le fait d’être rangé derrière la chancelière CDU comme l’usure du pouvoir – il y est, d’une façon ou d’en autre, depuis plus de 10 ans.
Il y aura cependant un gouvernement Schwarz-Gelb, comme l’a voulu le FDP. Il aura en apparence le mérite de la clarté (tout à droite), mais l’accord ne sera pas évident. Le FDP réclame, comme la CSU, des baisses d’impôts. Mais les caisses vides : le déficit de l’État bat des records, l’assurance maladie comme les caisses de retraites sombrent. En apparence, le FDP a un programme fondé sur une idéologie libérale (l’impôt c’est mal) qui, vu la situation devrait le conduire à proposer des coupes massives dans les dépenses publiques (l’État est un poids, les fonctionnaires sont des parasites, etc.), voire à un changement assez radical de modèle social. Mais, après tout, le FDP ne représente que moins 15 % de l’électorat et, avec la crise issue de l’échec du modèle libéral, le remède paraît bien hardi. Angela Merkel semble sur une ligne bien différente, ce qui promet d’âpres discussions. En outre, j’ai présenté les choses de façon bien simpliste : le FDP n’est pas vraiment un parti ultra-libéral, il a même pour cheval de bataille la défense des droits civiques, à laquelle son chef (Guido Westerwelle) semble fermement attaché. Bref, c’est bien compliqué. Pire, au niveau des Länder, le résultat peut-être inverse, comme dans le Brandebourg, où le SPD obtient une incontestable victoire. Là-dessus, je pars me faire une aspirine.
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De toute façon, une actualité chassant l’autre à Munich, en ce moment, on parle surtout la sécurité pendant de l’Oktoberfest. Une vidéo d’ Al Qaïda a menacé l’Allemagne de représailles pour la présence de ses troupes en Afghanistan, en citant plusieurs lieux qui pourraient être frappés, dont Munich avec, si j’ai bien compris, une allusion à l’Oktoberfest. Cela dit, un barbu refusant de consommer de l’alcool y serait vite repéré.
Le second sujet de préoccupation est le match qui opposera demain le Bayern à la Juventus de Turin. Qu’est-ce qui serait pire, une défaite du Bayern ou un attentat d’Al Qaïda ?

dimanche 27 septembre 2009

Wahlen – aujourd’hui on vote

Depuis plus d’un mois, l’actualité allemande est dominée par le combat électoral (Whalkampf). Aujourd’hui est en effet renouvelé la parlement fédéral Depuis quatre ans, le gouvernement est entre les mains de la Grosse Koalition entre la droite (CDU-CSU) et la gauche social-démocrate (SPD) et dirigé par la sémillante Angela Merkel. Tous les partis disent ne plus vouloir de cette grande coalition, la droite proclamant vouloir gouverner avec les libéraux : ce serait la Schwarz-Gelb Koalition, car le jaune est la couleur traditionnelle du part libéral (FDP). A gauche, c’est le rouge, quel que soit le parti – car il y a désormais les sociaux-démocrates et « La Gauche », Die Linke, dirigé par Oskar Lafontaine. Si les deux partis s’alliaient, nous aurions une Rot-Rot Koalition, ou plutôt une Rot-Rot-Grün, car les Verts sont alliés du SPD. Mais le SPD proclame son refus catégorique d’une telle alliance. Un tel projet équivaudrait à donner raison à la scission conduite par Oskar Lafontaine, lui-même ancien président du SPD et encore considéré comme un traître au sein du parti. Officiellement donc, combattent une coalition de droite pure, une autre socialo-écologiste et puis Die Linke dans son coin, pour ne parler que des principaux partis.
On voit donc qu’un des thèmes de campagnes est la nature de l’alliance qui pourra gouverner demain. Le fait est qu’aucun parti ne peut plus gouverner seul en Allemagne et qu’une coalition doit se préparer en amont et c’est un des sujets les plus importants de la campagne. Le débat est ici assez naturel, l’esprit de compromis est imposé par la nature du système électoral (la proportionnelle) et inscrit dans les mentalités. Les habitudes françaises en la matière aboutissent souvent à mépriser ces alliances et les inévitables compromis qu’elles engendrent : le compromis n’est ni sexy ni joli. Il déplaît tant aux parangons de la pureté révolutionnaire qu’aux amateurs de dociles majorités gaullistes. Les Français n’ont pas vraiment compris l’essence de la démocratie qui est justement le compromis.
En Allemagne, le jeu est encore compliqué par le système fédéral, un peu chinois pour un Français, sans doute limpide pour un Suisse, habitué à des équilibres encore plus complexes. Or, il y a eu le 30 août trois élections partielles, en Saxe, en Thuringe et en Sarre. Ce fut la surprise : la CDU, donné largement en tête, a beaucoup perdu, au bénéfice des partis un peu plus petits. Le SPD s’est pas mal maintenu, mais le grand vainqueur a été Die Linke, atteignant jusqu’à 27 % des voix en Thuringe (Land de l’ex-RDA). Du coup, le SPD local fait moins la fine bouche pour les alliances et la CDU a même tenté d’imaginer des coalitions plus larges, ainsi la surprenante Jamaika-Koalition, soit noir(CDU)-jaune(libéraux)-verts. Les discussions ont d’autant plus été laborieuses que les choix locaux pouvaient entrer en contradiction avec les décisions nationales. A ma connaissance, le choix n’est toujours pas définitif en Sarre et en Thuringe. En Saxe, c’est un gouvernement noir-jaune qui a été installé, comme le souhaite la CDU-CSU. Mais les sondages ne sont pas excellents pour la droite, qui ne cesse de perdre des points. Théoriquement, elle est encore largement en tête, mais il pourrait arriver que le total des députés libéraux et CDU-CSU soit insuffisant pour atteindre la majorité. Inversement, il paraît peu probable que l’alliance verts-SPD puisse elle aussi l’obtenir seule. Bref, ce soir, les électeurs pourraient mettre un sacré désordre et imposer, soit une coalition inédite (genre Jamaica) soit, le retour à la Grande coalition dont aucun parti ne veut.
On reproche aux partis d’avoir mené une campagne terne ; le fait est que la campagne électorale allemande paraît bien mois passionnante que nos élections nationales en France. Assurément, ce n’est pas très amusant. Les débats télévisés, quotidiens, sont interminables. Pensez donc, les hommes politiques échangent des arguments précis, chiffrés, font des propositions détaillées. Les journaux les décortiquent le lendemain en critiquant même ceux de leur bord ; ce sérieux est assurément très pénible pour un Français. Mais on peut se rassurer, la démagogie sévit aussi ici. La CSU et la CDU font ainsi campagne sur la réduction des impôts, promesse électorale difficilement tenable avec des finances publiques en mauvais état. Il y a eu pire et, pendant une semaine ou deux, j’ai cru revivre le climat de la campagne présidentielle de 2002. Deux faits divers violents ont en effet provoqué une poussée de fièvre médiatique et politique. Deux adolescents en perdition ont ainsi tué un homme sur une ligne de S-Bahn (le RER de Munich), après que celui-ci se soit opposé à leurs tentatives de racket. La CSU a immédiatement réclamé l’aggravation des sanctions pénales pour les adolescents, par l’application des peines réservées aux adultes (je simplifie un petit peu, car le système allemand possède un dégradé de peines), le SPD s’y opposant fermement. Et les journaux de se remplir de considérations sur le sujet et d’interviews enflammées de politiciens en verve démagogique. A cela s’est ajouté le coup de folie d’un autre adolescent qui a tenté de massacrer ses camarades et d’incendier son lycée – il n’a fort heureusement pu faire que des blessés. Le thème sécuritaire a assez été agité pour qu’on puisse craindre le pire. Angela Merkel n’est cependant pas Nicolas Sarkozy et elle a calmé le jeu sur le sujet. La campagne, finalement, a surtout tourné autour des coalitions, de la crise, des impôts et de l’énergie nucléaire : certains, à droite, souhaiteraient la relancer en Allemagne.
Localement, l’ambiance de la campagne électorale est bien plus bon enfant qu’en France. Certes, les panneaux électoraux fleurissent partout, entourant le moindre poteau. Mais les militants ont plutôt discrets. J’ai surtout vu ceux du SPD, qui se battent pour motiver les indécis. Ici, près de ma station de métro, ils distribuent tracts et moulins à vent aux couleurs du SPD. Il faut supposer qu’ici, être un moulin à vent n’est pas négatif. Les meetings ne me semblent pas se tenir dans des grandes salles, mais plutôt sur les places publiques. À Munich, ils se tiennent sur la place de l’hôtel de ville (la Marienplatz). On y dresse une estrade sur un camion bâché, la foule est juste tenue à distance par des barrières, mais sans déplacement invraisemblable de policiers. Ils sont là, mais sans ostentation. Les orateurs s’arrêtent pour laisser chanter la mélodie du beffroi de l’hôtel de ville : la politique cède un moment la place au tourisme. Ce fut le cas samedi pour un gros meeting de la CSU, où intervenait son chef, le Ministre-Président chef de l’exécutif) de Bavière. Une façon plus ancienne ou simplement plus modeste de faire de la politique ?
La CSU a pour principal slogan de proposer une représentation forte de la Bavière au parlement fédéral : l’argument a du poids dans cet état bien sûr à part.
Chaque parti a dû avoir son moment sur cette place, mais vendredi, c’était le tour du NPD. La surprise était très désagréable ; son chef martelait ses principes en hurlant dans le micro, ce qui, en allemand, éveille toujours d’étranges échos. Etaient visibles quelques drapeaux allemands avec l’aigle noir ou la croix noire du Reich bismarckien (je n’avais malheureusement pas mon appareil photo). Le slogan principal de ce parti d’extrême droite est « Stop Islamisierung » ; en réalité, tout est crypté, comme au Front National, et l’on voit bien quelle est la nostalgie qui anime ce parti. Son succès est des plus médiocres ; il y avait plus de policiers que de militants du NPD. En revanche, le groupe était entouré de nombreux jeunes qui le sifflaient en tentant de couvrir l’orateur, et qui brandissaient des drapeaux des jeunes du SPD, des Verts et du FDP. Aucun signe tangible d’une présence de jeunes de la CU : soit ce parti n’a pas de jeunes en son sein, soit il s’accommode assez bien de l’existence du NPD. Du reste, a-t-on jamais vu en France des jeunes du RPR ou de l’UMP protester contre un meeting du Front National ? A priori, le NPD n’a aucune chance d’accéder au parlement fédéral. Malgré tout, bien que Munich soit une ville ouverte et progressiste, dans la Bavière conservatrice, au passé que l’on connaît, ce genre de réunions engendre le malaise.

samedi 26 septembre 2009

Willkommen in München

Mon propriétaire est un homme charmant. Voilà une phrase directement traduite de l’allemand : quel Français pourrait donc l’imaginer ? En arrivant dans mon appartement, il y a un mois, j’ai trouvé, entre autres dons : une chaîne stéréo, deux radios, des réveils, dans le frigo des bouteilles de bière, de coca et de limonade, des réserves de papier toilette, du linge de maison neuf, des oreillers, des draps, une télé, une machine à café neuve, un fer et une planche à repasser, un vélo, des outils, des verres à vin (« ma femme m’a bien dit : un Français a besoin de verres à vin »), à bière, du café, des pièces de cinquante centimes pour la machine à laver, de la lessive et ce petit mot.

Sans doute ais-je de la chance et l’homme fait-il un peu de la surenchère, mais cet accueil est typiquement munichois. Lors de mon premier passage, les collègues avec qui je vais travailler ne m’ont rien laissé payer, ni repas du midi ni repas du soir, ni pot – l’incontournable litre de bière. L’un d’entre eux m’a hébergé, l’autre a effectué une journée entière des démarches avec moi, après m’avoir trouvé mon appartement et payé la caution. Dans la rue, si vous êtes le nez en l’air ou dans une carte, on vous demandera spontanément si vous avez besoin d’aide. Certes, tout n’est pas agréable dans le comportement des Munichois, il ne faut pas trop compter sur la politesse dans le métro et on s’exagère beaucoup la discipline allemande. Herzlich Willkommen est néanmoins un slogan qui se trouve partout – überpresent comme dirait Brüno – et plus particulièrement sur des cœurs, qui symbolisent d’une façon élégante et subtile l’herzlich accueil que reçoit l’étranger (solvable) à Munich. Lorsqu’on les découvre la première fois, par exemple dans la devanture d’une incroyable boutique de sucreries, on est amusé. Mais ils sont présents dans toutes les

devantures, non seulement d’alimentation, mais aussi de magasins de vêtements, d’agences de voyages, de coiffeurs, de librairies, etc.

Sur le marché, les fleuristes en abusent, que ce soit en fleurs, en lavande

ou en fleurs sèches. Le must est sans doute le pain d’épices en forme de cœur, support de ce fameux slogan, mais de bien

d’autres encore, du plus simple (Grüss von München), jusqu’aux plus

idiots, en passant pas les déclarations d’amour, à sa bien-aimée, à son opa, à qui ont veut, sans doute même son chien, en toute langue, y compris, cela va de soi, le bavarois. Il se trouve par milliers à l’Oktoberfest, qui est l’occasion de la multiplication des petits cœurs.


Halte au kitch ! Arrivé à ce stade, le Français normal succombe à une overdose de petits cœurs et d’herzlich Willkommen. Il réclame un zeste de mépris, un doigt de mauvais esprit, une bonne couche d’indifférence malpolie comme notre capitale en gratifie volontiers les touristes.

Mais lorsque le NPD apparaît sur la place de l’hôtel de ville, on se dit que ce n’est pas si mal ces petits cœurs. On en reparle demain.


Si vous n'êtes pas encore écœurés, vous pouvez trouver une collection d'images ici.

Weißwurstland

Me voici donc installé depuis un mois au pays des saucisses blanches. Il s’agit plutôt de gros boudins blancs, très doux. Cette spécialité munichoise ne se consomme que le matin, grosso modo entre 9 et 13 heures, dans ce qu’on appelle un Weißwurst Frühstück. Après cette heure, il est presque impossible d’en consommer dans une brasserie. Comme je confesse, entre autres vices, un goût prononcé pour les saucisses, lors de mon premier séjour munichois, j’ai voulu déjeuner de cette fameuse Weisswurst. Le serveur m’a appris qu’il n’était, « bien sûr », plus l’heure d’en manger. Ce met de petit déjeuner tardif se consomme donc dans la matinée, avec des Bretzel (Breze), qui sont ici de véritables petits pains. La bière s’impose, même à dix heures du matin, où elle n’a jamais rebuté un Bavarois. Là encore, avec d’autres estrangers, nous avons tenté de boire autre chose, mais un serveur nous a répondu, sur un ton condescendant que, non, ce n’était pas possible, seule la bière passait avec la Weisswurst. La lâcheté a imposé la bière sans alcool. L’indispensable complément est la (süsser) Senf, une moutarde sucrée très prisée dans le sud de l’Allemagne et en Autriche, que l’on aperçoit sur cette photo. Cette moutarde justifie à elle seule l’ingurgitation d’une Weisswurst.

Si l’association de l’Allemagne avec la choucroute (Sauerkraut) est très exagérée, la réputation de mangeurs de saucisses que l’on fait aux Allemands est très en-deçà de la vérité. On a peine à imaginer les monceaux de saucisses qui occupent les devantures de charcuteries comme les étals des supermarchés. Dans le petit marché qui se tient une fois par semaine dans mon quartier, la moitié des commerçants sont des charcutiers. Il n’est pas rare de voir, le week-end, un Allemand sortir des kilos de knackis du coffre de sa Mercedes, qui constituent l’essentiel de ses courses. Mais à Munich, la reine des brasseries et des devantures (ici, dans le Viktualienmarkt, au centre de la ville), c’est la Weisswurst - avec la Rotbratwurst, de Nuremberg, qui vaut aussi le détour, mais voilà assez de saucisses pour aujourd’hui.

A mon retour en France, je veux une côte de boeuf, bleue !