vendredi 30 octobre 2009

Saucisse, Sexe & Senf


Des innombrables lectrices et lecteurs de ce blog, plusieurs m’ont fait remarquer que la photo qui l’orne (51) était plus qu’équivoque : de la vraie pornographie. La Weißwurst évoquerait un pénis, certes pas bien vigoureux, mais de bonne taille, et le Breze le sexe féminin. Quant à la Senf… La disposition des choses sur l’assiette ajouterait à la confusion du lecteur, qui aurait la nette impression que la saucisse s’en va visiter le Breze. Je suis encore perplexe, car je n’y vois que des victuailles et si une telle photo me ferait saliver, ce serait juste à l’idée d’un bon repas. Pour ma santé psychique, il est d’ailleurs plus sain de n’avoir pas ce genre de pensée à chaque fois que je dois engloutir une Weißwurst, une Nürnberg ou une Currywurst, ou, ce qui arrive plus souvent, à chaque fois que je croque dans un Breze beurré (le Breze, pas moi). Un mien ami me suggérait d’écrire « le blog d’un obsédé à Munich ». Mais c’est déjà le cas : le blog des lecteurs obsédés ! Dans quel état serez-vous, chers amis, lorsque vous viendrez à Munich, si vous conservez cette association d’idées ? Des saucisses, vous en verrez pendre à dans tous les étals ; vous en verrez des montagnes se reposer les unes sur les autres ; vous en verrez à tous les coins de rue, dans toutes les assiettes ; vous en verrez coincées dans des petits pains ronds, lovées dans la choucroute, jouant avec des patates ou accompagnées de deux grosses boules, les fameuses Knödel; vous en verrez des blanches, des rouges, des roses, des jaunes, des marron, des noires; des courtes, des petites, des grosses, des minces, des trapues, des longues. Et même des très longues, puisque l’on attire le chaland avec la saucisse demi-mètre, comme en témoigne cette photo prise lors de l’Oktoberfest. Vous verrez des gens les prendre avec les doigts, ou bien les couper en tranches (car toutes les saucisse se débitent en tranches), les croquer, les regarder amoureusement, seuls, à deux, à trois, ou en groupe. Vous en verrez même se mettre à plusieurs sur une même saucisse, ce qui est souvent nécessaire pour avaler la saucisse demi-mètre – voir à gauche la photo d’un joyeux luron fier de la participation à cette consommation collective, un soir, bien entendu, d’Oktoberfest. Verrez vous donc Munich ainsi, une ville turgescente, où la phallofolie la dispute au cunnifétichisme ? Car le Breze est aussi partout : c’est un des symboles de la région et il est sert de décor même dans les magasins de vêtements. Mais il se mange ! Au restaurant, on vous apporte une corbeille de Breze, non de pain. Les boulangeries comme le moindre vendeur de sandwiche offrent un plein étal de Breze de toute taille, là encore, jusqu’au demi-mètre. Il doit être à la fois croquant à l’extérieur et moelleux à l’intérieur ; le nec plus ultra est le Breze délicatement fendu et beurré, qui fond sous la langue. Avec quels yeux verrez-vous ce complaisant étalage de Breze ?

Le pire est à venir si l’on déguste la Weißwurst dans les règles de l’art. Personnellement, je m’en coupe doucement une tranche, que je tartine d’un peu de Senf, puis je la croque, en déguste la saveur délicate, en alternance avec un morceau de Breze, et affiche un sourire de satisfaction. Mais c’est là manière d’étranger, voire de barbare. Un vrai Munichois, pour consommer ce met de choix, n’en mange pas la peau et n’use ni de couteau, ni de fourchette. Il la saisit précautionneusement avec les doigts, en trempe le bout dans la Senf, l’incise à un bout et en aspire la chair blanche : il la suce jusqu’à ce qu’il ne reste plus que la peau, qu’il abandonne, flasque, dans son assiette. Cela s’appelle zuzeln, verbe qui n’est employé que pour la Weißwurst. Avec de la pratique, on la zuzel très vite, si j’en juge par une vidéo (elle est un peu longue : ici, un Munichois explique, avec son bel accent, la technique, mais ne montre rien). Reconnaissons que la pratique répugne même à bien des Allemands et que l’association d’idées est ici inévitable.

Mais si l’on se contente de consommer la saucisse à la manière habituelle, il me semble que l’on peut vivre à Munich dans se croire dans un lupanar ou dans le tournage d’un film de Marc Dorcel. Me trompe-Je ?

Vous pouvez me le dire en votant dans le sondage exclusif que j’ai placé dans la partie droite du blog. Ne votez qu’une fois, ô vous les obsédés. Il faut cependant que le panel soit assez important : vous pouvez faire voter vos compagnes et vos compagnons, vos amants et vos maîtresses, vos grands-mères, vos psy – mais pas vos enfants adolescents, qui sont bien trop travaillés par leurs hormones.

Une dernière question me taraude : et la senf ? Certes, elle a souvent une saveur sucrée, certes, on la tartine, mais regardez la photo. Qu’y voyez-vous ? Moi, de la senf.

Mais tout cela m’a donné faim, je me ferai bien une Weißwurst.

jeudi 29 octobre 2009

Un peu de politique allemande : die Kanzlerin Merkel II


L’événement du mercredi…

L’événement de la semaine est l’investiture de la chancelière par le nouveau Bundestag hier mercredi. La presse, dont je suis largement dépendant, se plaît d’abord à souligner la réussite de la chancelière, malgré les pertes de la CDU-CSU. Elle s’est après tout débarrassée du SPD, qui est abattu et pas près de se relever. Son autorité est incontestée et son style sobre, discret, un peu terne mais ferme, plaît, même à un journal plutôt à gauche comme la Süddeutsche Zeitung (SZ), qui la qualifie de Bürger-Präsidentin : elle préside, fermement, mais comme une citoyenne.


Ca coince ?
Tout ne sera pas facile pour autant, car il faut gouverner, et dans une nouvelle coalition, avec des libéraux qui s’estiment, en raison de leur beau score et de l’impression qu’ils ont d’avoir imposé la plupart de leurs thèmes de prédilection aux Unions (CDU-CSU). De fait, ça coince un peu, il y a des tiraillements, des ambiguïtés délibérées et il est probable qu’une partie des promesses de campagne se perde en cours de route. Ainsi, sur le nucléaire : l’Allemagne devrait théoriquement se renucléariser, mais Merkel semble freiner et la SZ résume le choix par une formule typiquement allemande : Jein. Une sorte de ni-ni en quelque sorte.
Les baisses d’impôts devraient être effectives, même si elles seraient moins importantes que ne le voudrait le FDP. On prédit que 70 % des allemands en bénéficieraient. La démagogie a ses limites, y compris dans les rangs de la CDU, qui n’est pas comme l’UMP un parti de godillots : des voix s’élèvent, dans les Länder, pour protester énergiquement contre ces baisses, qui grèveraient leurs finances – par un mécanisme qui m’échappe. Il sera vite urgent de ne pas trop se presser sur ce point, mais les tensions entre les trois partis seront alors vives.
Autre sujet qui pourrait être consensuel, la réduction du service militaire de 9 à 6 mois. Le service militaire n’est guère populaire ici et, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, ne l’a jamais été. Mais la mesure serait coûteuse pour la société et l’économie : plus de la moitié des Allemands n’effectuent pas leur service militaire (Wehrdienst) mais un service civile, Zivildienst: ce sont les Zivis. En 2008, ils étaient 88 000 contre 68 000 appelés. Ils sont partout, les administrations, les institutions comme le Goethe Institut, où ils doivent être à Munich une demi-douzaine (sur environ 1 500 Zivis pour toute la ville) et, bien sûr, dans le domaine de l’aide sociale, où l’on râle ferme. La caravane passera-t-elle quand même ? Il y a bien sûr bien d’autres points de friction, mais c’est bien assez pour aujourd’hui.

La chancelière sur l’échiquier
Outre ces questions de programme, la chancelière va devoir manœuvrer face à un partenaire ambitieux, Guido Westerwelle, chef des libéraux du FDP. Il a été dans l’opposition à la chancelière dans la mandature précédente, s’estime porté par le vote du mois dernier et est bien disposé à pousser ses pions idées. En apparence, il a une place de choix comme vice-chancelier et ministre des affaires étrangères, où l’un de ses modèles, le libéral Hans-Dietrich Gaenscher s’illustra dans les années 1980. Mais Merkel n’est pas Kohl et avait mené elle-même la politique étrangère lors de la mandature précédente, réduisant le SPD Franz-Georg Steinmeier à un «Grussonkel» (SZ, mot intraduisible mais fort clair). Les Français connaissent aussi ce type de rapports. Avec le prestige de la réélection, il est fort peu probable qu’elle laisse Westerwelle se tailler une stature. Il devrait être tenu en laisse et certains analystes pensent déjà qu’il a commis une grossière erreur en prenant ce portefeuille, alors qu’il aurait pu briller par exemple aux finances. Il pourrait être réduit à n’être qu’un «ministre du petit déjeuner» (SZ).
En France, on se gausse de l’allure mémère de Merkel, de son côté terne et rigide. On al sous-estime sans aucun doute. C’est une fine tacticienne, qui n’est pas arrivée là par hasard, dans ce monde encore matcho, par hasard – au passage, je signale que le Bundestag comporte encore 67 % d’hommes, 78 % pour les députés CDU. Un exemple : Merkel a désigné l’actuel Ministre-Président du Bade-Würtemberg (capitale Stuttgart), Günther Oettinger, qui n’a pas brillé dans le poste, mais qui est un homme de dossiers, comme Commissaire européen. Le choix est approuvé, et elle honore par ailleurs une personne qui l’a critiquée. Or, le successeur d'Oettinger à Stuttgart sera l’un des proches de Merkel, Stefan Mappus. D’une pierre, elle fait deux coups.
D’autres calculs tactiques risquent de freiner les réformes ardemment souhaitées par les libéraux, notamment les élections de mai 2010 dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie (en gros, le Rhin, la Ruhr), où la domination de la CDU est fragile et où son ministre président tire la sonnette d’alarme sociale. Westerwelle va se faire des cheveux blancs.

En bonus
- Un détail : ici, on aurait très mal vu la nomination de Tony Blair comme président de l’Europe. On est soulagé de le voir rejeté par les socio-démocrates. Moi aussi.
- Encore Asterix : à la radio comme dans la presse écrite on célèbre aujourd’hui les 50 ans du petit bonhomme. Même la sérieuse et coincée Frankfurter Allgemeine Zeitung s’y met. C’est l’occasion d’apporter quelques informations capitales. Ici, Asterix et Obelix conservent leur nom, mais Panoramix devient Miraculix, Abraracourcix est Majestix et Assurancetourix Troubadix. Les chefs Goths perdent aussi leurs beaux noms, Passmoilcric devient Mickerik («Faiblard»). Côté jeux de mots, l’Allemand est perdant.
- A Munich, un étudiant français complètement saoûl dormait sur les quais du métro. Il a roulé sur les rails et par miracle n’a été que légèrement blessé à la min par le métro qui lui est passé dessus. Il était 6 h 40 du matin. Et on dit que ce sont les Allemand qui boivent le plus !
- On s’apprêtent aussi à fêter, comme partout désormais, Halloween. Ici, cela donne lieu à beaucoup de soirées musicales, on danse beaucoup – le nombre de «party» est assez impressionnant à Munich. Mais ce n’est pas du goût de la majorité conservatrice du Land de Bavière, qui a décidé d’interdire ce jour-là toute soirée dansante au-delà de minuit, pour respecter la catholique fête des morts. La CSU catholique veut mettre au pas les teufeurs. Ce n’est pas gagné.


lundi 26 octobre 2009

Les Russes, le vin, la bière et moi


Les Russes n’entendent rien à la démocratie : j’ai eu l’occasion de la vérifier hier soir dans une discussion très animée avec un jeune Russe du Goethe-Institut, qui fêtait sa dernière soirée à Munich avant de prendre l’avion pour Moscou. Il ne tarissait pas d’éloges sur Eltsine, Poutine et le patriarche Alexis, grâce à qui tout va nettement mieux en Russie. Bien sûr, la Tchétchénie c’est triste, mais la Russie, c’est grand, c’est compliqué à gérer. La Russie a besoin d’un homme fort, du reste Medvedev est un peu mou. Mon interlocuteur n’a jamais eu de problème en Russie, ses amis non plus, il fait ce qu’il veut, c’est bien la preuve qu’il vit une forme de démocratie, non ? Et de lancer l’attaque : avec Guantanamo et les manipulations de la guerre d’Irak, les Etats-Unis sont-ils plus démocratiques ? On voit bien à quel point nos errements rendent nos leçons de morale complètement inaudibles. Dans les vapeurs de l’alcool, la conversation a dévié sur nos barbaries respectives : s’il professe une admiration pour la langue française, s’il fantasme sur les Françaises (la réciproque risque de n’être pas évidente), s’il veut bien admettre une forme de barbarie russe, il conclut : mais au moins ne mangeons-nous pas des grenouilles et des escargots. En effet, ils se contentent de butter les Tchtèchènes dans les chiottes ou dans les écoles.

Je persiffle, mais cet étudiant a aussi ce qui rend les Russes sympathiques, la chaleur, l’enthousiasme excessif et lyrique, la faculté de parler des heures en buvant des litres et une belle curiosité. Nous avons essayé ensemble une nouvelle taverne, où l’on ne boit que des vins, la Pfälzer Weinstube. C’est une annexe du Palatinat ; plats et vins ont une couleur presque alsacienne, cépages Riesling et Gewürztraminer, flammenküche, etc. Nous avons commencé par une curiosité, le Federweisser, qui se déguste avec une tarte à l’oignon. On ne le boit qu’à l’automne, puisque cette boisson est tout juste tirée des cuves où le raisin pressé a à peine commencé à travailler. Très sucré, doux, le Federweisser ne mérite pas du tout le nom de vin, mais peut constituer un apéritif agréable. Naturellement, avec un Russe, on ne s’arrête ni à un verre ni à un alcool. Nous avons donc liquidé une bouteille de Weissbürgunder. Vin d’été fort convenable, mais bien plat à mon goût. J’attends encore le vin allemand qui me fera m’exclamer « Aaaah » !


Pour la bière, c’est fait : la même soirée, j’ai enfin trouvé la bière allemande qui égale les bières belges. Car nous avons poursuivi le dialogue dans un autre taverne, une des meilleures de Munich, la Weisses Braühaus. Nous avons goûté l’Aventinus Weizenstarkbier : formidable ! Une bière brune, une vraie brune (j’ai toujours eu un faible pour les brunes), opaque, épaisse, complexe, un peu chocolatée (la description est tout à fait réaliste), un peu plus alcoolisée que les bières bavaroises (8°), pas trop sucrée, encore rafraîchissante, que demander de plus?


Les Russes n’entendent rien à la démocratie, c’est entendu, mais ils savent vivre !

samedi 24 octobre 2009

En vrac : Merkel II, des petits hommes et le désespoir de Mémé


De quoi désespérer Mémé !

Quelle ou «La source», dont le nom se prononce en allemand «Kfelleu», entreprise bien connue de vente par correspondance, est placée en liquidation judiciaire. La disparition de ce catalogue assez ringard – et pour cause, la dame a 82 ans – peut laisser indifférent. La logique économique et sociale contemporaine condamne ce qui a surtout faite les délices des grands-mères du XXe siècle et des esprits moqueurs. Mais elle fait ici la une des journaux, y compris des plus sérieux. C’est un événement comparable à la disparition, chez nous, de Manufrance: l’entreprise est basée en Bavière, principalement à Nuremberg. 10 500 emplois vont disparaître brutalement, dont 4 000 à Nuremberg. Nombre d’autres entreprises, qui vivaient en symbiose avec Quelle, vont aussi souffrir, non seulement les fabricants, mais aussi les expéditeurs, la Deutsche Post, DHL, etc. Dans la conjoncture actuelle, même dans la prospère Bavière, c’est une catastrophe sociale. Les débats sont houleux, d’autant plus que Quelle devrait rembourser 50 millions d’euros d’aides publiques (fédérales et bavaroises) : le feuilleton dure en effet depuis longtemps et les autorités avaient essayé de l’aider, en vain. Que vont acheter les mémés ?


Le Merkel nouveau est arrivé

L’Allemagne a un nouveau gouvernement, qui devrait être présenté mercredi. Les Unions et le FDP sont parvenu à un accord tant sur le programme que sur la composition du gouvernement – alors que certains Länder n’ont pas encore de gouvernement. Au programme: la croissance, disent-ils, à coup de réduction d’impôts (25 milliards), de mesures familiales, mais aussi d’augmentation des prélèvement pour l’assurance maladie, peut-être le retour au nucléaire, la réduction du service militaire à 6 mois et bien des promesses dont je vous passe la liste. Cela donne au profane (que je suis) l’impression d’une mélange peu cohérent entre tendances libérales (plus d’atôme, baisses d’impôts, un peu de libéralisation des règles du travail, de l’assurance maladie, etc.) et conservatrices-sociales (plus de protection et d’aides pour les familles, volonté affichée de ne pas changer de modèle social, d’équilibrer prélèvements et aides, etc.).

Ce programme est bien éloigné de mes propres convictions et je serais volontiers sceptique sur ses chances de réussite. Je demeure néanmoins fasciné par l’efficacité avec laquelle les négociations ont été conduites pour aboutir à un compromis globalement précis et qui a en premier lieu porté sur des idées et non sur des questions de personnes.


Anniversaires

2009 est en Allemagne une année de commémorations. Si on ne parle guère des 80 ans de la crise de 1929, on a beaucoup évoqué les 70 ans du début de la Seconde guerre mondiale, avec force documentaires sur l’agression allemande contre la Pologne (ainsi présentée), mais aussi les 60 ans de la Bundesrepublik, les 20 ans de la chute du mur de Berlin et… les 50 ans d’Asterix. Le héros d’Uderzo et de Goscinny est peut-être ici le plus populaire des personnages de la BD franco-belge. L’anniversaire est largement commenté dans la presse, y compris, là encore, dans la très sérieuse Süddeutsche Zeitung. On le trouve partout, à l’instar de Tintin, mais aussi d’autres personnages que l’on attendrait moins, comme Johann et Pirlouit – voire Monsieur Jean de Dupuy et Berberian. Certains enseignants du Goethe-Institut en recommandent très sérieusement la lecture pour faciliter l’apprentissage de la langue. J’ai commencé avec Astérix chez les Goths.


M. Talonnette

Le petit Français dont on parle le plus est cependant Nicolas Sarkozy. La courtoisie des Allemands fait qu’ils n’abordent pas ce sujet directement et que les articles des journaux demeurent relativement neutres. Mais on sent nettement qu’ils voient surtout le ridicule du personnage, dont les frasques, les saillies, et les détails de la politique sont fidèlement retranscrites et suivies. Les Allemands ne sont pas les seuls : la presse suisse, ou belge, sans parler des grands médias de langue anglaise, s’en délectent. Au Goethe-Institut, les Français étaient unanimement consternés et honteux quand nous sont arrivées les nouvelles de l’affaire Jean Sarkozy. Vu d’ici, la France nous apparaît encore plus crûment sous le jour d’une république bananière. Cela nous a donné l’occasion de faire apparaître notre colère, comme de faire rire les salles avec les histoires de la taille de N.S., également bien connues ici. Bref, tout le monde nous plaint et nous comprend, à l’exception des Russes qui n’y voient rien à redire. Les Russes n’ont jamais rien entendu à la démocratie.

Vu de l’étranger, notre Président est vraiment petit.


On s’en moque

- L’automne a pour le moment renvoyé l’hiver dans ses foyers.

- La soirée beuverie avec les profs du Goethe-Institut est bien mensuelle.

- Il y aurait à Munich plus de 1 000 personnes atteintes par la Schweingrippe (ici, on n’a pas peur du porc). La maladie est prise très au sérieux et les Allemands trouvent tout à fait normales les mesures d’évacuation. En discipline. Mais sans aucune conséquence sensible la vie quotidienne. La panique n’est pas à l’ordre du jour.

- Le FC Bayern a été battu par Bordeaux. J’évite donc de dire que mon beau-frère est Bordelais.

- Quant ce n’est pas de la bière, les Munichois semblent avant tout boire des vins blancs allemands et des vins rouges italiens. Il va falloir les éduquer.

mardi 20 octobre 2009

Entrachtés




Le Bavarois en culotte de peau, un cliché ? Non. À la belle saison, bon nombre de Munichois sont vêtus de costumes traditionnels, les Trachten. Pour les hommes, c’est le Lederhose, la rigide culotte de peau tenue par des bretelles, assortie d’une chemise à carreaux, de gros godillots et de chaussettes en laine. On peut y ajouter un petit chapeau vert et un gilet. S’il fait froid, c’est un gilet de laine, comme tricoté par une grand-mère très myope et un rien parkinsonienne. Les femmes portent une Dirndl, une robe au décolleté en «U», plongeant, qui recouvre un chemisier blanc et est munie d’une tablier. Ce pourrait être très sage, si la fonction principale de la tenue n’était pas de mettre en valeur ses seins. Les sceptiques peuvent le vérifier sur ce lien ou celui-ci. Une subtiliapparaît (enfin) dans la place du nœud du tablier : noué à droite, on est en couple, à gauche, libre, derrière, veuve, et devant, on n’est pas vraiment libre mais, qui sait, tout est possible. L’homme, quand à lui, se contente de montrer ses mollets. Le montagnard peut faire impression, mais le citadin…

Comme tous les costumes folkloriques européens, ces Trachten ne doivent pas être antérieurs au XIXe siècle, dans le meilleur des cas. Ils ont été mis au goût du jour dans la seconde moitié du siècle dernier, lorsque les publicitaires ont commencé à les utiliser comme symboles de la bavaritude. L’Oktoberfest est le moment où ils s’exposent le plus. La fête commence par un défilé de Trachten dans Munich. Mais toute la population semble en porter, tant on y croise de gens entrachtés. Sur le site même du Theresienwiese, on estime qu’au moins la moitié des visiteurs en est vêtue : les touristes en achètent aussi massivement, et de plus en plus. Ce sont les « horribles Dirndl des touristes », pour reprendre la formule d’une amie française qui habite à Munich – à vrai dire, si l’on voit bien qu’elles sont plus coûteuses, les Dirndl des Bavaroises ne me semblent pas devoir susciter plus d’enthousiasme que celles de touristes. Une enquête sociologique a conclu que les touristes s’habillent ainsi pour s’insérer en Bavière ; il est plus facile d’acheter une Dirndl que d’apprendre l’Allemand, surtout en version bavaroise. La conversation est de toute façon limitée lors de l’Oktoberfest. Mais j’y verrais plutôt un « syndrome Dupond et Dupont », qui s’habillent en evzones dans les Balkans pour faire couleur locale. Sans doute le déguisement contribue-t-il aussi à l’ambiance festive et à désinhiber celles et ceux qui, de toute façon, ne sont pas venus là pour visiter l’Alte Pinakothek.
Les marchands ont flairé le filon et la mode s’en est emparée. Ses publicitaires parviennent à cette occasion à élever des monuments au bon goût allemand : cette page, (à gauche) qui en témoigne, est tirée du magazine In München, qui recense toutes les sorties culturelles de Munich, mais j’aurais pu en montrer beaucoup d’autres. On y voit que le Lederhose peut désormais être porté par les femmes, à condition d’être très court. Il permet d’aguicher par le bas, alors que la Dirndl attaque par le haut. Mais il est tout aussi simple de raccourcir la robe en une mini-jupe, qui m’a parue aussi tendance – je n’ai que cette photo volée pour en témoigner, mais elle est assez éloquente. Du côté des hommes, les plus jeunes innovent par le syncrétisme entre le Lederhose et la tenue de supporteur du FC Bayern. Dans ce cas, les bretelles pendent le long des cuisses, signe de décontraction extrême et, souvent, indice d’un taux d’alcoolémie fort élevé.


Ces fantaisies sont propres à la période de l’Oktoberfest. Mais les Munichois en Trachten étaient déjà nombreux au mois d’août et l’on en croise encore beaucoup, surtout le dimanche. Certes, l’appel à la copulation joyeuse a disparu, tout a été rallongé. Certes, les entrachtés sont plus âgés. Mais leur nombre, même dans une ville moderne comme Munich – c’est naturellement bien plus répandu dans les campagnes – montre que le cliché repose sur une réalité.

Pour les curieux, plus de photos de Trachten et plus de bon goût ici.

lundi 19 octobre 2009

Musées de nuit

Mes collègues allemands qui connaissent Paris nourrissent un complexe : Munich serait une petite ville provinciale. Il se passe pourtant toujours quelque chose à Munich. Samedi, c’était la « Longue nuit des Musées », Die Lange Nacht der Münchner Museen – si on place les mots dans le désordre, on pas avoir une désagréable réminiscence. Tous les musées de Munich, plus de 80 sites, étaient ouverts de 19 à 2 heures du matin. Naturellement, une telle nuit paraît courte au Parisien, mais pour le Munichois qui commence et finit plus tôt (y compris les sorties en boîte), c’est déjà une bien longue soirée. Comme toujours, c’est riche, amusant, bien organisé, facile à vivre. Il est naturellement impossible de faire le tour des lieux ouverts cette nuit-là, et, comme on y prend goût, on en ressort avec une furieuse envie de recommencer.

Le Deutsches Museum, qui fut mon point de départ, est un des plus grands musées de technique du monde, si ce n’est, selon les autochtones, le plus grand. Un musée technique n’est pas a priori alléchant, mais celui-ci est une merveille. Toutes les curiosités peuvent y être satisfaites. Celui qui aime la marine peut admirer des dizaines de bateaux intégralement conservés, parfois écorchés pour qu’on admire leurs entrailles, associés à des centaines de maquettes, d’explications techniques de toute sorte. Il peut s’amuser à tirer sur des boutes, palper de la fonte, ou à scruter l’intérieur du premier U-Boot de la Kriegsmarine. Le passionné de science se perd des heures dans des salles pour redécouvrir les rayons-X, le mélomane s’extasie devant la collection d’instruments de musique, l’ingénieur en herbe comprend comment on construit les tunnels – ainsi, le Simplon, à taille réelle. L’aréophile saute de joie devant, là encore, les dizaines d’avions de tous temps qui sont conservés là, admirablement mis en valeur, et dans les quels il peut rentrer. Cette nuit-là, au milieu de ces avions, entre deux ailes et trois empennages, sous un réacteur, un pianiste assurait l’ambiance piano-bar, car un bar y était installé, où nous avons mangé et bu. Magique ! À la sortie, un va-et-vient incessant de voiture nous a surpris : musée et particuliers avaient remis en service des voitures de collection qui conduisaient de ce musée vers le musée de la circulation. Nous avons donc pris la première qui se présentait une Ford Mustang (1967 ?). Son moteur rugit comme un tigre, même pour faire un bon de 2 km-heures. Au ralentit, on se croit dans un bateau.

Un musée de la circulation n’est pas lui aussi a priori attirant. Mais le même principe et la même qualité de présentation suscitent un constant émerveillement. Combien de splendides voitures sont exposées dans ces grandes halles ! Combien de trains de toute sorte, du funiculaire suisse au ICE sont là, comme à quai, où l’on peut souvent entrer. Et autant de vélos, de motos, de camions, de bus, de trams, voire de skis… Là encore, de la musique surgit de partout.

Le retour s’effectua dans une Nash 1930. Casquette vissée sur le crâne, on a envie de sortir brusquement avec son camembert et de mitrailler une vitrine. Nous nous sommes contentés de pousser la voiture sur quelques mètres lorsqu’elle cala à un feu rouge. Puis les lignes de bus créent spécialement pour la soirée nous conduisent dans le quartier des Pinacothèques. Ce fut la Neue Pinakothek – dont on ne peut évidemment faire le tour en une heure. J’ai achevé la soirée dans un drôle d’endroit, un luxueux bâtiment construit par BMW en plein centre ville pour y exposer ses modèles. Y était projeté Metropolis de Fritz Lang, accompagné en direct par un trio de musiciens, pianiste, violoniste et percussionniste, avec une musique composée par eux pour le film. Le cinéma muet offre alors une sensation avant tout physique qui imprègne encore plus le corps que la rétine et infuse longtemps après la projection. D’autres sont allés voir des installations, des projections dans des églises, voir des villas, des galeries d’art contemporain, des concerts dans des hôtels, etc.

On rentrait enfin, plein de sensations, le sourire aux lèvres, entre deux et trois heures, par les trams et les bus de nuit, avec les jeunes (ou moins jeunes) bobos de Munich qui sortaient de boîte, éméchés et joyeux.

jeudi 15 octobre 2009

Das Wetter in Bayern

Tombe la neigeuuu
Parler du temps qu'il fait, c'est n'avoir plus rien à dire. Pour moi, c'est l'inverse, je n'ai pas le loisir de faire mieux en ce moment, je tâcherai d'être plus bavard ce week-end, car Munich offre beaucoup à raconter.
Depuis mon arrivée fin août, le soleil a régné quasiment sans partage et a gratifié la région d'un bel été indien. Mercredi dernier, il faisait encore plus de 25° et j'étais en chemisette. Les terrasses étaient bondées. Le soir, la ville bruissait, joyeuse, encore dénudée, et l'on marchait dans une enveloppante tiédeur. Voilà qui donnait envie de boire une bière.
La pluie et le froid sont arrivés jeudi, soudainement, sans prévenir. Et voilà que la neige s'est mise de la partie depuis mardi! D'abord une petite neige, de celles qui, dans les recoins des jardins, ne laissent qu'un vague souvenir glacé au pied des arbres, du moins pour les yeux de ceux qui ne se lèvent pas assez tôt. Faisant fi de sa timidité initiale, la neige s'enhardit par tempêtes plus denses. Ce soir, elle s'installe doucement, comme vous pouvez le constater sur la photo prise il y a une demi-heure au pied de mon immeuble.Nous sommes passés brusquement de l'été à l'hiver. Aux chemisettes ont succédé les anoraks et les bonnets, sans transition.
Voilà qui donne envie de boire une bière.

mardi 6 octobre 2009

Oktoberfest ! (2) Schrecklich !

Trêve de gentillesses, l’Oktoberfest n’est pas que gaîté, flirt et fraternité. Le rassemblement peut aussi être assez agaçant. La foire est amusante, mais c’est une énorme opération commerciale. Tout y est bien sûr plus cher. Le Maß de bière à plus de huit euros, voilà qui scandalise un Munichois. Pour un Parisien qui paye chez lui son demi (donc un quart de Maß) près de quatre euros, cela reste très abordable. Les marges sont néanmoins confortables. La quantité colossale de victuailles qui est présentée et consommée peut donner le tournis, la simple vue des innombrables étals de saucisses, de bonbons, de barbapapa, de pains d’épices, de poissons, comme l’odeur entêtante sont un peu écœurantes.
L’impression qu’on en retire peut fortement différer selon les jours où l’on y vient. J’y ai passé du temps en milieu de semaine ; c’était très agréable, mais déjà bien plein. En fin de semaine, c’est effroyable, les touristes arrivant par centaines de milliers. On voit des groupes entiers débarquer le vendredi, surexcités, notamment de nombreux Italiens dans des tenues un peu baroques qui prouvent que l’Italie n’est pas uniquement le pays du design et de l’élégance. Les métros vomissent des hordes de sardines aux stations du Therensennwiese, au point que certaines d’entre elles ont été fermées le dernier week-end, le temps que la foule s’en extraie. Dans ces moments-là, ont fait la queue partout, devant les attractions, mais aussi à l’entrée des Bierzelten, qui ferment lorsqu’elles sont pleines comme de gros oeufs. Certaines peuvent pourtant accueillir dix mille personnes, sans parler des Biergarten situés à l’extérieur. Qui plus est, des mesures de sécurité ont été prises cette année, qui imposaient l’ouverture des sacs à dos à l’entrée des Bierzelten, puis de tous les sacs à l’entrée même du Theresienwiese. Conséquence de la menace terroriste que ferait peser Al Qaïda sur l’Allemagne. Certains journaux populaires comme l’Abendzeitung en ont fait leurs choux gras (ici trois éditions de la semaine passée). Cela n’a dissuadé personne d’aller se faire compresser sur le site.
La bière consommée en abondance a aussi, on s’en doute, bien des effets négatifs. Dans les pelouses qui ceinturent le Wiesn, on trouve bien sûr des gens qui font une pause, en s’extrayant du chaudron qui bruisse de rires gras et de chants entonnés à gorge déployée. Mais bien des cadavres y gisent aussi dans un état assez lamentable. Au moins le sommeil les rend-ils inoffensifs : certains sont redoutés, en particulier les Australiens qui auraient la détestable manie de se confectionner des trophées avec les effets arrachés aux autres fêtards. On dira qu’il suffit de ne pas se rendre sur le site pour être tranquille. Mais la foule dégorge dans la ville toute la journée. Des serpents de touristes, compacts, occupent les rues du centre, la plupart du temps la bière à la main. Car on boit du matin au soir. On voit les gens débarquer de la gare, ou assis dans le métro, se rendre au Wiesn une buvant une bouteille de bière – de 50 cl, cela va de soi. Le soir, ils reviennent en titubant. Le métro est sillonné par des groupes de braillards. Ceux qui n’en peuvent plus sont avachis sur les quais, les yeux dans le vide, ou sont soutenus par leurs compagnons ou compagnes. Car les femmes ne sont pas en reste et j’ai vu bien des couples où c’était l’homme qui tentait tant bien que mal de ramener l’épouse chez elle. Dans ces cas, il s’agit bien souvent d’Allemands, même de Munichois : les touristes ne sont pas tous fautifs. Même s’ils crachent et vomissent à qui mieux-mieux un peu partout.
Le dernier week-end, c’était encore plus pénible car il y avait un match du Bayern l’après-midi ; là encore, on va assister au match en se préparant par quelques excès. Le match se déroulant l’après-midi, les spectateurs pouvaient sans peine aller se finir à l’Oktoberfest. Sans parler des after-Oktoberfest qu’organisaient nombre de boîtes et de bars. Et cela un jour de fête nationale !
Des petits malins avaient aussi organisé en même temps l’Erotik Messe, le salon de l’érotisme local. On pouvait donc apparemment associer tous les plaisirs pendant deux semaines. Mais je n’ai pas pu étudier cette intéressante rencontre : cette Messe ne m’est connue que par les innombrables placards de bon goût qui l’annonçaient partout en ville et dans les journaux. L’année prochaine, qui sait ?

samedi 3 octobre 2009

Oktoberfest! (1) viel Spaß !

Oktoberfest bat en effet son plein depuis deux semaines : comme son nom l’indique, la grande fête dite, chez nous, « de la bière » se déroule surtout en septembre. Il y a bien sûr une explication à cela, mais je ne compte pas faire un cours sur l’Oktoberfest. L’événement est de taille : on attendait cette année 6 millions de personnes, le plus grand rassemblement de ce genre en Europe – dans le monde, ajoutent les Bavarois. Il y aurait beaucoup à dire, mais je ne raconterai que ce que j’ai vu, au péril de mon intégrité physique et morale. J’avais une certaine appréhension : je ne goûte pas ces grands rassemblements et le souvenir des conséquences des fêtes de Bayonne, autre grand rassemblement de buveurs, n’incitait pas à l’enthousiasme. Après avoir noyé mes appréhensions dans des litres de bière, j’ai une vision bien plus positive de cette fête.

Elle n’occupe pas toute la ville, mais est concentrée sur une vaste esplanade située au sud de la gare centrale, le Theresienwiese (d’où l’autre nom donné à la fête : Wiesn). Il s’agit d’abord d’un vaste parc d’attraction, avec force trains fantômes, grands huit, auto-tamponneuses, illusionnistes, manèges, toboggans, mais aussi un cirque à puces et bien d’autres curiosités, pour les enfants, mais surtout pour les adultes. Comme dans tous les parcs, tout ceci est assez kitsch, mais très gai. J’ai d’ailleurs un grand regret, celui de n’avoir pas goûté au train fantôme. Naturellement, on y trouve des monceaux de nourriture, barbapapa, amendes caramélisées, sucettes, cœurs en pain d’épices, beaucoup de stands de « semmel » (petits pains qui forment la base des sandwiches), au poisson, mais surtout avec de la saucisse.

Où est la bière ? Dans l’allée, la principale pour tous les adultes, où se trouvent toutes les « tentes » (Zelten ou Hallen). Ce sont de vastes constructions en bois, en forme de maison plus que de tentes, pouvant abriter chacune plusieurs milliers de buveurs. Mais on y mange aussi, et parfois d’abord, car on trouve une tente gérée par un marchand de poisson, une autre spécialisée dans le bœuf (Ochsenbraterei, où j’ai mangé : très correct), une autre dans le vin. Six autres tentes appartiennent chacune à l’une des grandes brasseries de Munich. Mais on peut aussi y manger. En réalité on trouve à peu près partout le même type de décor et le même type d’ambiance. Quand on y pénètre le soir, c’est au premier abord un peu effrayant, tant le bruit peut sembler assourdissant : des milliers de personnes très gaies y parlent fort, y chantent, y mastiquent, y entrechoquent leurs chopes, marchent, bougent, se bousculent, s’interpellent et rigolent à gorge (très) déployée. Au centre, sur une estrade, un orchestre joue très fort, de la musique traditionnelle, mais aussi des Wiesn-Standards, des chansons composés spécialement pour la fête, souvent en dialecte bavarois, aux paroles assez stupides, mais qui entraînent toute la foule. Un des derniers exemples en date est « Anton aus Tirol », composé par un certain DJ Ötzi ; ceux qui n’ont pas froid aux yeux peuvent trouver le clip ici et les paroles . Mieux vaut y aller en groupe et se chercher une table, lorsque c’est possible. Assis, on peut manger de tout, en grande quantité, et bien sûr boire : pas seulement de la bière, mais surtout de la bière. Elle est servie en Maß, donc en litre, pas moins. Le poids se sent dans le bras lorsque l’on trinque, ce qui arrive très souvent : on finit par fêter tout et n’importe quoi et l’orchestre entonne régulièrement « Ein Prosit etc. ». Mais la bière, quoi qu’une disent les Bavarois, n’est pas bien forte. Avec la chaleur, la nourriture, l’ambiance, elle se laisse bien boire. Au fond, l’ambiance est très bon enfant : les gens lient très facilement conversation, rient, certes, de ce qui fait rire là-bas dans ces circonstances et qui n’est pas toujours fin, mais l’ambiance ne se prête pas au fleuret moucheté. Très vite, la moitié de la salle est debout sur les bancs ou les tables. Si l’on veut bouger un peu plus, on peut se plonger au centre des tentes, non loin de l’orchestre, où il y a juste de grandes planches qui forment comme des comptoirs de bars. On s’y accoude, s’y mélange. Des serveuses énergiques vous apportent l’incontournable Maß de bière. Elles se font les muscles en portant au moins une demi-douzaines de chopes en verre massif, tout en arborant un décolleté plongeant, histoire d’inciter à la consommation. Passent de temps à autre d’énormes brezel ou des cornichons non moins colossaux, pour qui veut éponger un peu sa bière. On danse, pas seulement allemand : la moitié de l’assistance doit être étrangère, les orchestres en tiennent comptent en jouant des standards internationaux. Nous avons ainsi été gratifiés de We are the Champions ou de Smoke on the Water. Puis vient le phénomène des ciseaux : la gaîté augmente avec le taux d’alcoolémie, le discernement baisse et il se passe des choses étranges. Certain(e)s embrassent des inconnu(e)s à pleine bouche, juste le temps d’une rencontre de muqueuses et puis s’oublient l’instant d’après. Après l’ambiance bon enfant, l’ambiance bon adolescent.

A onze heures du soir, un discret mais très présent service de sécurité incite la masse des buveurs agglutinés à s’en aller, car les tentes ferment. C’est bien tôt, mais la plupart ont commencé à boire aussi très tôt. Les tentes se vident doucement, sans heurts. On se rafraîchit dans les allées, on mange encore une saucisse avec du ketchup ou de la senf, on rit bêtement. Chacun regagne vaille que vaille le métro, le bus, en chantant Anton aus Tirol.


Pour les curieux, d'autres photos ici.