vendredi 24 décembre 2010

Noël Noël, Weihnachststimmung

Nous voici enfin à Noël, après deux mois de préparation et de matraquage. Si j'ai ironisé, je dois cependant dire qu'il est difficile de résister à l'ambiance qui règne ici, la Weihnachststimmung. Certes, la neige aide pour la touche finale.

Mais la ville est un immense marché de Noël, ou plutôt une galaxie de petits marchés de Noël. J'ai déjà parlé l'an passé du principal, qui s'étale de la Marienplatz jusque derrière l'hôtel de ville. Il a des surgeons partout, qui possèdent chacun leur originalité. Celle-ci est toute relative, comme ici, lorsque le stand imite la forme de la cathédrale, la Frauenkirche, sise juste au-dessus, au cas où l'on n'aie pas compris que l'on se trouve à Munich...

A l'origine, le marché de Noël était l'endroit où l'on achetait les décor de Noël. C'est encore le cas, même si les supermarchés lui font une forte concurrence,
et si le kitch peut souvent régner sans partage...Y compris pour les inévitables crèches, qui bénéficient d'une batterie de stands, offrant des armées de personnages.
C'est la spécialité d'un marché du centre, muni d'un pavillon à Glühwein
qui imite l'un des jouets qui agrémente les tables des petits allemands, que l'on pourrait en quelque sorte baptiser une crèche tournante.

Voici le modèle par lequel je tente de germaniser mes neveux.

Mais, en Allemagne, qui dit fête ou lieu public dit abondance de nourriture. Je vous épargne les montagnes de saucisses. Cette année, mettons en valeur les schumpfnudeln: ce sont de sortes de gnocchi en forme de fuseaux, revenus sur la poêle et souvent mélangés avec de la choucroute. C'est lourd, mais roboratif et souvent fort bon. Ou alors je suis trop germanisé.
Les becs sucrés sont aussi à la fête, avec les étals de gourmandises, dont les plus prisées sont les Lebkuchen, sort de pains d'épices recouverts d'un glaçage de chocolat.
Ma préférence va aux Stollen, ces denses brioches aux fruits secs, imbibées de beurre,

Et dont les plus savoureuses sont farcies de pâte d'amandes - ce sont les Marzipanstollen.
Parmi les marchés visités cette année, j'ai découvert le "marché médiéval".Avec un nom pareil, on s'attend à du kitch. C'est le cas: stand en pseudo-colombages, vente d'arbalètes, de fourrures, de potions de toute sorte, animations comme conteurs, chevaliers, cracheurs de feu...
On y mange naturellement, du sanglier, du cochon cuit comme il se doit dans des fours rustiques.
Lorsque le marche ferme, un gugusse vient sonner dans un cor en trimballant sa hallebarde.


Mais la découverte de l'année est Le Pink, le marché de Noël gay et lesbien (situé au sud de la Sendliger Tor)
Tout y est rose, à commencer par les lampadaires dont la lumière rosit la neige qui tapisse les branches des arbres de la petite place.
Passé la première impression, tout y est banal, on y boit du Glühwein, on y mange et on y vend des décors ou des choses un peut idiotes - et un peu roses.
Mais l'animation est assurée par un transformiste (non vu) ou un jeune plein d'entrain qui chante ds chants de noël sur un tas de neige, en les agrémentant de beats (sans jeu de mots).



Certains se laissent entraîner, comme ce fringuant moustachu à l'écharpe panthère, devant son échoppe, à coup sûr le plus beau de la fête.

regardez-le bouger un peu.

Après ça, on peut manger une saucisse n'importe comment, en toute liberté.
Dire que c'est déjà fini et qu'il restait une bonne dizaine d'autres marchés à explorer! Oui mais voilà, il m'arrive aussi de travailler. Le Glühwein, Pink ou pas, n'est pas propice à la concentration.

A l'an prochain? Qui sait, last Christmas, Munich take my heart, pour paraphraser la chanson que l'on doit y subir...
Joyeux Noël à tous!

samedi 18 décembre 2010

Dr Bobologue et Mr Ego

Des motivations non strictement amicales me conduisent à fréquenter de temps à autre le même médecin. Il faut s’armer de patience dans la salle d’attente, qui porte vraiment bien son nom. Le passage devant le médecin est au contraire la séjour plus rapide que l’on puisse effectuer dans un cabinet, tous types confondus. Encore le mien est-il francophile et n’hésite-il pas à sortir du problème qui m’amène et des 5 minutes normales. Mais c’est une exception. Ce n’est pas en Allemagne que les grands-mères peuvent raconter leur vie au médecin.

Celui-ci m’a envoyé faire des analyses dans un laboratoire indépendant, ne faisant pas excessivement confiance à l’exactitude celles qui sont pratiquées dans son cabinet. Le fait que l’attente y a été plus courte que la visite, quel changement ! Mieux, je reçois le lendemain les résultats à mon domicile. Je retrouve d’efficacité germanique. Dans l’en-tête, j’ai l’œil attiré par la liste des membres du cabinet, que voici (moins leurs noms).

Ils sont tous docteur, rien de surprenant. Mais ils sont « Dr. med. », soit docteur en médecine. Cela paraît évident en France, où seuls les médecins se voient gratifiés du titre de Docteur. Mais tout titulaire d’un doctorat est ici « Monsieur/Madame Docteur Machin ». Le Français se sent gratifié : il n’a pas passé quatre, cinq ou six ans à travailler comme une brute pour qu’on le regarde comme un parasite de la société, sur lequel gouvernements, recteurs, propriétaires d’appartements et CRS peuvent s’essuyer les pieds, le mépris en bandoulière. Un peu de reconnaissance fait du bien à l’ego. Cela devient plus surprenant quand on vous êtes Docteur à la Poste, quand on peut l’afficher sur sa sonnette, quand on vous demande votre titre lorsque vous vous abonnez à un journal, que vous passez à la banque, et j’en passe. Car les Allemands ont manifestement la passion des titres. Il n’y a pas que les Dr., mais aussi les MA (magister : titulaire d’un actuel Master), les Pr. (Professeurs bien sûr), etc.

Les médecins pratiquent la surenchère, comme on le voit ici. Le premier est simplement docteur en médecine, comme tous les autres. Mais le second est aussi « Dr. rer. nat. », donc Docteur un sciences naturelles. En plus de son doctorat en médecine, le bougre a effectué un véritable travail de recherche. Il a un titre plus long que son collègue, non mais.

Le dernier est le plus titré : Priv. Doz. signifie « Privat Dozent » : en plus d’un doctorat, il a réussi à obtenir son Habilitation à diriger des recherches. Il n’est pas encore professeur, mais c’est le marchepied qui y conduit. Le marchepied est souvent abrégé PD, ce qui ne fait sourire que les Français. Les Allemands ont un humour plus raffiné.

Malgré la germanophilie qui me caractérise, rien n’y fait, je ne m’habitue pas à cette omniprésence des titres, qui me paraît un peu ridicule. Je prônerais plutôt l’abolition total de l’usage des titres, y compris pour les médecins. Mais j’en reparlerai le 04 août.

vendredi 17 décembre 2010

dimanche 12 décembre 2010

Kinofreundschaft : un cinéphile peut-il survivre à Munich ?



(source: http://hammer.ucla.edu/about/billy_wilder_theater.html)

La réponse est simple. Certes, on y subit aussi le matraquage de blockbusters en 3D, comme ailleurs. Mais le réseau de cinémas est vaste et l’on peut voir nombre de films en VO (ici OF : Originalfassung), avec tout un dégradé de situations : OmU (Originafassung mit Untertiteln : avec sous-titres, allemands), OmeU (idem, mit englischen Untertiteln : sous-titre anglais, par exemple pour des films asiatiques qui n’ont jamais bénéficié de sous-titres allemands), ou le poétique OoU (Originalfassung ohne Untertitenl), film sans sous-titre, c’est-à-dire toujours en anglais. La maîtrise de l’anglais étant ici très bonne, on peut assez souvent voir des films anglo-saxons en VO intégrale. Même les grandes salles réservent des salles pour des séances OmU ou OoU.

Certains cinémas sont spécialisés dans la VO, comme le délicieusement désuet Theatiner Filmkunst, où l’on peut voir une abondance de films italiens ou français. J’y ai pour ma part découvert le Gainsbourg, vie héroïque de Sfar. Non loin du Deutsches Museum, une autre institution joue ce rôle, le Museum Lichtspiele, qui, avec plus d’un siècle, est le plus vieux cinéma d’Allemagne. (source: http://www.filmfest-muenchen.de/rc/ffm_en/filmfest/isarmeile.asp)
La ville salle a la forme d’un théâtre, avec même des places latérales fort peu pratiques.
(source: http://kerstinsklein.blogspot.com/2009/03/museum-lichtspiele-movie-craze_29.html)
D’où deux particularités. Il faut d’abord réserver ses places, selon une pratique très répandue en Allemagne. Pour ce cinéma, c’est indispensable, faute de ne pouvoir y entrer, comme je l’ai expérimenté – un lundi… La seconde est qu’il faut malgré tout arriver très tôt pour avoir les bonnes places, au prix d’une petite lutte un rien sauvage, dont on ne croirait les Allemands capables.

Ailleurs, on peut choisir une partie de la salle (devant, milieu, derrière), et un prix en conséquence. Une autre particularité qui étonnera les Français est la pause d’un quart d’heure qui intervient au milieu d’un film. Il s’agit sans doute d’un héritage de l’époque des changements de bobine, qui s’est institutionnalisée. En réalité, c’est la France qui fait exception : cette pause est aussi usuelle en Suisse et en Grèce, pour ne parler que des pays où je l’ai expérimentée. Ce n’est somme toute qu’un moindre mal si l’on considère le nombre consternant de coupures publicitaires qui interrompent ici les films à la télévision. Le rapport au cinéma est un peu plus différend que le nôtre : j’en veux pour preuve le bruit que font les spectateurs, même lorsque le générique est lancé, et le fait que l’on mange et l’on boit pendant le film, en abandonnant à la fin du film sa bouteille sur le sol ou le siège en sortant de la salle. L’attitude, qui m’a fait bondir la première fois, est normale, attendue : le personnel vient alors ramasser ce qui traîne. Pire: dans nombre de cinémas, même en l'absence de pause, certains spectateurs sortent au milieu du film pour aller aux toilettes, pour acheter à manger et à boire.

Le cinéphile est-il donc malheureux ? Non, car il est un cinéma qui ne pratique pas les coupures et qui offre de très belle rétrospectives. La ville possède un musée municipal, sis en plein centre, dans un vieux bâtiment médiéval, qui abrite aussi un cinéma, le Filmuseum. L’institution joue le même rôle que la cinémathèque à Paris : sauvegarder le patrimoine filmé, offrir des cycles et des rétrospectives, à un prix très abordable – 3 à 5 euros la séance, dans une salle très confortable. En ce moment, c’est une rétrospective Billy Wilder (Certains l’aiment chaud, pour citer le plus célèbre de ses films)qui fait mes délices. Les revoir est un plaisir, les découvrir une grande joie, ainsi le La Garçonnière (The Appartment), délicat, ou de l’hilarant et méconnu One, Two Three.


En parallèle, on peut découvrir les films d’animation du tchèque Karel Zeman (originaux et parfois délirants);

une série « films et psychanalyse », etc. On annonce pour janvier une rétrospective Melville. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, le musée abrite aussi un café animé, chaleureux, où l’on peut manger et boire des petits plats originaux et peu chers. J’y ai même bu un bon vin rouge, c’est dire.

Munich est bien une ville pour cinéphiles. Pour le reste, nobody is perfet.





samedi 11 décembre 2010

Et hop !



Voici une curiosité photographiée à Munich, dans la Schellingstraße en septembre dernier. Un banal échafaudage à première vue. Certes, sa géométrie est très graphique, mais cela justifie-t-il une photo ? Regardons d’un peu plus près.

L’échafaudage ne repose sur rien. Il ne touche pas le sol. Les ouvriers qui le montent sont suspendus dans les airs. L’explication est simple : tout tient par la pression entre les deux immeubles voisins, comme une bête tringle à rideau de douche. Voilà qui n’étonnera guère les ingénieurs. Il n’empêche, cet entrelacs de barres métalliques qui flotte en l’air incite à la rêverie.

jeudi 9 décembre 2010

Munich, ville de tous les dangers

Règlement de comptes à OK LMU

Hier, le quartier de l'université, où je travaille, était en émoi. 60 policiers, escortés par des ambulances, bloquaient dans la matinée la Schellingstrasse et les bâtiments de l'université (LMU). Un homme armé était dans la cafétéria et l'on craignait sans doute un massacre. Il s'avère que c'était simplement un doctorant qui venait rencontrer son directeur de thèse (ici). Armé. Qui veut encore devenir professeur d'université?

*

Encore les délinquants étrangers

En 2009, un groupe d'adolescents suisses allemands en visite à Munich y avait tabassé des passants, pratiquement à mort. Ils viennent d'être condamnés à de lourdes peines de prison.

Mais voici que d'autres de leurs compatriotes font parler d'eux. Hier soir avait lieu à Munich le match FC Bayern-FC Basel (Bâle), comptant pour la ligue des champions. Les supporteurs bâlois sont réputés pour leur agressivité. Ils étaient attendus: plus d'un millier de policiers étaient déployés depuis le matin, dès les quais de la gare centrale (voir ou encore ici). Les ultras de Bâle ont provoqué dans l'après-midi une énorme pagaille dans le métro,l a police a dû massivement intervenir, au prix de sérieuses perturbations et de quelques dégradations (3-0 pour le Bayern, non mais).
Il est piquant de constater que ce sont les Suisses allemands qui ont fait le succès du récent référendum sur les délinquants étrangers et l'on parierait volontiers que ceux qui venaient mettre le feu à Munich ont dû y contribuer.

lundi 6 décembre 2010

Le bulletin de vote et l’étranger

Dimanche 28 novembre, la Suisse votait le texte instaurant la double peine pour les étrangers, à la suite d’une campagne marquée par la violence xénophobe du parti auteur de l’initiative, l’UDC. Soyons juste : les Suisses romands se sont encore distingués en votant contre ce texte, contre le reste de la Suisse.

Pendant ce temps, à Munich, les étrangers étaient appelé aux urnes. Il s’agissait d’élire les 40 membres du Conseil des étrangers de la ville (Ausländerbeirat). Ce conseil, qui existe depuis 1974, est destiné à favoriser l’intégration des étrangers en leur donnant une voix sur certains projets, pour lesquels ils dispose d’un budget spécifique. Ce n’est pas grand-chose, mais cela témoigne d’une attitude bien différence de celle que l’on rencontre outre-Rhin, que ce soit vers l’ouest ou vers le sud.


Le bulletin de vote vaut la peine d’être vu. Déplié, il est plus grand qu’un quotidien allemand, ce qui n’est pas un mince exploit. En lieu et place d’un isoloir, de grandes tables sont là pour que l’électeur aie le temps de lire et la possibilité de cocher le ou les cases de son choix. Car le vote nécessite un peu de réflexion : 30 listes s’affrontent. Bien plus, chaque électeur peut accorder 40 voix (une par place au conseil) à sa guise , soit pour une liste, soit en panachant entre les listes, soit en pondérant son stock de voix. A condition de ne pas dépasser 40, ce qui nécessite un peu de calcul mental. Autant dire que le vote, c’est du boulot. L’intégration commence par là : en Allemagne, la politique c’est sérieux ; pour la comprendre, il faut faire fonctionner ses neurones. Une autre chose, piquante pour un Français : on ne vous demande pas vos papiers – amis parisiens de faciès basané, venez voter ici ! On ne signe rien non plus. Il suffit de venir avec le papier envoyé par la mairie. On vous fait confiance.

Jusqu’à présent, le procédé a un peu rebuté les étrangers de Munich (5,9 % de participation en 2004), mais, aux dernière nouvelles, nous nous réveillons.

Les listes sont instructives. Beaucoup sont nationales : « Afrika », « « Herceg-Bosna », « Italiener für München », « Albanische liste », « Deustche aus Russland », « Initiative Griechsche Vereine » et même des « Franzose für München ». Beaucoup de Turcs bien sûr, y compris la liste « Aktive Anatolische Arbeitsgruppe », mais aussi des listes confessionnelles (« Katholiker für München » – on y voit des noms slaves portugais, africains ou chinois – ou « Türkisch-Islamische Union »), une liste de jeunes actifs, une d’européens, d’autres favorables à mixité culturelle et nombre de liste à caractère non identifié.

C’est un bon portrait de l’immigration à Munich. Plus de 300 000 étrangers y vivent, soit près de 25% de la population. Il semble que Munich soit la ville allemande où les étrangers sont les plus nombreux. Beaucoup de Turcs naturellement, mais l’on y trouve aussi la plus importante communauté grecque d’Europe, de très nombreux Italiens, des Africains, des Portugais, des Russes et une masse très importante de natifs des pays des Balkans. Les autres Européens ou les Américains sont également nombreux, mais c’est une immigration spéciale : celle des étudiants, des professeurs, des ingénieurs dont a besoin cette ville riche, prospère, active, où l’industrie de pointe comme les services offrent beaucoup d’emplois. Entre tous ces groupes, on peut se demander comment le Conseil peut fonctionner. Il n’empêche : c’est un lieu de dialogue. Qui montre à l’immigré qu’ici, être un étranger offre des droits. Que l’intégration est une voie, pas une injonction assortie de menaces.

Post-scriptum (07/12): Les résultats sont tombés hier: une participation de 7,1 %... Le conseil est désormais composé à parité de 20 hommes et de 20 femmes. Pour les nationalités: 11 Turcs, (dont 6 de "l'alliance islamo-turque"), 3 Grecs, 2 Italiens, 2 Polonais, 1 Irakien, 1 Bosniaque, 1 Chinois, 1 Français, 1 Croate, 1 Brésilien, 1 Nigérien, 1 Burkinabé, 1 Colombien, 4 Germano-Turcs, 1 Germano-bulgare et 8 Allemands.

dimanche 5 décembre 2010

Un petit bouquet de blogs

Les curieux l’auront peut-être constaté, j’ai un peu modifié la liste des blogs dont les liens figurent à droite. Je passe sur une disparition, pour signaler le premier : « Berlin Berlin », le blog de Caroline, journaliste française en poste où vous devinez. On y trouve de tout, des impressions, des observations, des tranches de vie, des fantaisies, selon l’humeur. Un des rares blogs de francophones exilés où l’Allemagne est finement observée et non déformée. L’air de rien – le blog n’a pas pour but d’informer –, par petites touches, avec légèreté, on y apprend beaucoup.

Puis « Cuisine en scène », un blog de cuisine étonnant. Qui brise les clichés : l’auteur en est une danseuse (française) de Munich. Oubliez-vos (navrantes) idées reçues, non, ce n’est pas comme un sumo funambule, un CRS poète ou une dentellière rugbywoman. Une danseuse peut être gourmande et s’adonner avec talent à la cuisine. Photos et les recettes donnent l’eau à la bouche.

Pour finir, je ne résiste pas à un petit mot sur mes statistiques. Voici quelques unes des requêtes ayant conduit un lecteur ici. Une très précise : « oktoberfest 2009 litres de biere bus précis 6 500 000 ">» (la réponse se trouve en effet ). Et puis les standards comme « bains nus » et « bains+nues+etablissements », qui renvoient le pervers au billet sur les bains du Müllers Volkskbad, voire « air martial lederhosen », association étonnante : un visiteur qui veut porter les Trachten tout en ayant l’air d’un militaire ? Il y a du boulot. Une association qui ne m’étonne guère, « saucisse sexe » (voir ici – post le plus lu le mois écoulé, juste devant les bains) : si vous voulez être lus, écrivez sur la fesse, la charcuterie, la nudité. Enfin, une dernière requête dont on peut se demander comment elle a abouti ici : « toute les sorte de champignons girolle voir photo ». La toile est une jungle et M. Google une fort médiocre boussole.

samedi 4 décembre 2010

En vrac : tout est glacial, l’hiver, le rock et ceux qui s’en vont

L’Hiver contre-attaque

La semaine passé, j’ai ironisé sur l’arrivée certes précoce, mais mollassonne de l’hiver. Bien mal m’en a pris. Depuis huit jours, le général hiver a montré qu’il n’aime pas la provocation. Il neige abondamment, les températures se traînent largement en dessous de zéro et il faut se déplacer avec moultes précautions, sur la neige gelée et la poudreuse qui la recouvre. Les transports en commun sont très perturbés, les voitures patinent et se meuvent comme de gros mammouths maladroits. Mais tout cela concorde aussi à installer un climat de Noël, incite à visiter avec une âme d’enfant les marchés du même nom et à s’extasier lorsque la lumière fait scintiller le manteau blanc.

*

Noir Désir est mort

Le plus grand groupe de rock français de l’histoire vient de se dissoudre mardi. Les histoires d’a. finissent mal en général… Mais c’est au fond la seconde mort de Noir Désir : le groupe est déjà mort en 2003. Par une mort brutale.

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S’en aller par le S-Bahn

En matière de langue, il n’y a qu’une manière de progresser : parler, parler encore et toujours. Une des meilleures façons de le faire est de constituer un tandem avec une personne souhaitant faire de même dans votre langue maternelle. Beaucoup de personnes apprennent le Français à Munich, mais j’ai mis du temps à trouver un Tandempartner, en l’occurrence une Tandempartnerin, Birgit. Nous nous sommes vus pour la première fois vendredi 26 novembre dernier. Trois heures durant, nous avons parlé soit allemand, soit français, nous corrigeant mutuellement. Si son visage était marqué par une certaine tristesse, nous avons aussi beaucoup ri, parlé des semaines à venir, de ce que nous ferions. Elle tâchait d’achever une thèse de psychanalyse, tout en vivotant de petits boulots. Rendez-vous était pris cette semaine.

Birgit s’est jetée sous le S-Bahn le lendemain. Un suicide décidé, mais auquel ses proches ne parviennent pas à trouver de vraie raison. Elle en avait assez, a-t-elle écrit. C’est tout. Dans la nuit qui tombe dès 17 heures, on imagine aisément sa solitude, dans la ville envahie par le froid, mais aussi par les gens empressés de faire leurs achats de Noël, au milieu des lampions, des bougies et des guirlandes. Noël, c’était Noël autour d’elle qui marchait vers les quais.

Cette mort me hante et me glace.

mardi 30 novembre 2010

KZ Dachau (3)



Le gros bâtiment administratif est un héritage de l’ancien camp. On peut y découvrir certaines pièces en l’état, avec par exemple cette interdiction du fumer. Partir en fumée oui, s’en griller une, non.

On y trouve surtout une remarquable exposition sur l’histoire du camp. Replacée dans son contexte général de l’Allemagne nazie, elle est d’une très grande précision. Une impressionnante quantité de témoignages la nourrissent, associés à une non moins grande moisson de documents. La fort germanique bureaucratie a généré une paperasse, plans, comptes, lettres, dossiers divers, que l’on a pu en grande partie sauver de la destruction. La plongée n’est pas facile : c’est toujours pire que ce que l’on imaginait ou croyait savoir.

On possède aussi des réponses à certaines questions fort importantes, comme celle-ci : les Allemands, ou disons les Bavarois de Dachau savaient-ils ? Oui. Les prisonniers sortaient pour des travaux divers, à Dachau même et dans toute la Bavière. S’ils ne connaissaient pas forcément les détails de la vie intérieure du camp, ils ne pouvaient ignorer que ce que l’on faisait subir aux gens qui y étaient enfermés était ignoble. C’est donc avec des sentiments mauvais que l’on voit le film, tourné au printemps 1945, qui montre les soldats américains, révoltés parce ce qu’ils ont découvert, contraindre les habitants de la paisible bourgade à aller contempler les amas de corps et le crématorium. Il en est d’impassibles , de gênés et d’autres tout de même bouleversés.

De la visite du camp, on ressort avec des sentiments mêlés. D’abord profondément ému. Presque écrasé tant l’horreur s’y rencontre à chaque pas. Épuisé par ces émotions. Instruit, certes, mais d’un fort amer savoir. Abasourdi, avec cette lancinante question, qui ne cessera de se poser : comment cela a-t-il été possible ? Comment un pays qui se voulait si avancé a-t-il pu plonger si loin dans la folie ? La colère vient, encore et toujours.

Je connais des esprits qui trouvent que « les Allemands nous font chier avec leur culpabilité » et qu’ils en font trop. Ils n’en feront jamais trop.

*

J’ai mis en ligne des photos d’une meilleure définition ici.

lundi 29 novembre 2010

KZ Dachau (2)

Au bout du camp, on passe à travers une nouvelle reconstitution, celle du système de barbelés et de fossés qui empêchaient les prisonniers de sortir. Beaucoup y moururent, soit en voulant s’échapper, soit en y étant piégés par la perversité des gardiens : 40 000 personnes sur 200 000 prisonniers. Ce qui suit est d’époque : les fours crématoires.

Dachau était un camp de concentration, par d’extermination comme Auschwitz, c’est entendu. On y a entassé opposants politiques, Juifs, prêtres, tziganes, prisonniers de toutes nationalités, notamment russes. Tout ce monde était soumis à un arbitraire total, et, en vertu de cela, terrorisé, battu, maltraité, mal nourri, exploité par des travaux harassants, souvent exécuté froidement par les gardiens du camp. À Dachau comme ailleurs, des médecins sans âme ont pratiqué nombre d’expériences sur les prisonniers. Leurs victimes trouvaient une mort précédée de longues souffrances. Le prisonnier était aussi soumis à un règlement pervers et déshumanisant, appliqué avec une brutalité et un sadisme de chaque instant ; en vertu de celui-là, on était tout autant terrorisé, battu, exécuté, etc. L’organisation du camp – le premier à avoir été ouvert – a même constitué le modèle de tous les autres camps de concentration allemands ; les officiers SS ayant dirigé des camps y étaient souvent passés : on parlait de « l’école de Dachau ». La folie unissait l’arbitraire et la maniaque logique réglementaire. On mourait donc en masse à Dachau, de maladie (le typhus faisait rage), de mauvais traitements ou de la volonté de tel SS. Les survivants devaient se charger de détruire par le feu le corps de leurs camarades dans un crématorium. Le premier, construit en 1940, fut vite insuffisant, étant donné l’aggravation de la mortalité qui sévissait dans le camp. On en construisit un second, plus grand, plus moderne. On possède même quelques photos le montrant en fonctionnement.

Dans le crématorium se trouvent aussi une salle de déshabillage et une chambre à gaz, fonctionnelle. On ne possède pas de preuve directe de ce qu’elle ait fonctionné comme lieu de mort. Mais pourquoi diable a-t-elle alors été construite ?

La distinction entre camp d’extermination et camp de concentration tient dans ce que le premier était construit précisément dans le but d’anéantir ceux qui y étaient conduits. Mais la limite est ténue, quand les seconds, comme on le voit à Dachau, n’étaient pas loin de parvenir à ce même résultat.

Autour de ces bâtiments se trouvent les fosses communes où l’on a jeté les corps par centaines, notamment quand il n’y eu plus assez de charbon pour le crématorium. On marche sur les morts. Le visiteur sort de cette partie du camp en chancelant.

Le malaise m’avait vite saisit : comment peut-on visiter cet endroit, comme on découvrirait un château ? Que fait-on ici, avec guide et sac à dos, au milieu de dizaines d’autres gens multicolores, presque comme dans un haut-lieu du tourisme de masse ? Ce moment m’a apporté une réponse : cela m’était nécessaire. On peut malheureusement douter qu’il en soit ainsi pour tous les visiteurs. J’ai vu des groupes se faire prendre en photo devant le panneau « Krematorium » et même l’un d’eux s’appuyer devant l’entrée du premier four crématoire, avec un large sourire, triomphant, en demandant à ses amis de le photographier ainsi. Shoahpark… La bêtise est n’a pas de limites.

dimanche 28 novembre 2010

KZ Dachau (1)


Dachau est l’endroit où se situe un des camps de concentration les plus connus. On s’y rend en quelques minutes, par le bus, depuis la gare de la bourgade voisine.

La visite du camp est organisée de façon remarquable. On n’en ressort pas indemne, c’est entendu. Mais l’ignorant est édifié et celui qui sait n’en saura jamais assez.

Il subsiste peu des rails qui conduisaient dans le camp les wagons plombés bondés de déportés. C’est que la partie où ils se situaient, l’ancien caserne des SS, est désormais occupée par la gendarmerie bavaroise. Une ironie amère nous guette. Il n’y a cependant pas de solution de continuité entre les deux occupations du lieu.

L’entrée se faisait par le bâtiment appelé Jourhaus, encore debout, qui abrite la grille de fer au cynique et célèbre slogan, Arbeit macht Frei. Est également d’époque le bâtiment administratif, qui abritait aussi divers ateliers où l’on exploitait les prisonniers. À part les édifices spéciaux dont je reparlerai, il ne reste presque rien du camp, qui a pourtant été en activité douze ans durant (22 mars 1933-29 avril 1945). Des baraquements, on ne voit que la trace à même le sol, les contours gris, assortis parfois de fleurs. Tout a été détruit. C’est que le camp a beaucoup servi – y compris pour y enfermer les prisonniers nazis en 1945, ou pour accueillir les Allemands réfugiés en Bavière au lendemain de la guerre. On a surtout mis du temps à comprendre la nécessité d’en garder le souvenir. Il faut dire que, pendant près de vingt ans, les Bavarois et la Bavière ont opposé une extrême mauvaise volonté au désir des survivants de faire du camp un lieu de mémoire. Oublier, effacer plutôt que de stigmatiser. On voit que l’Allemagne a mis du temps à se regarder en face – elle n’est pas la seule, certes, et le portrait était pire que celui de Dorian Gray. Ce sont les anciens prisonniers qui l’on emporté et qui ont fait de ce camp ce qu’il est désormais, un terrible et nécessaire lieu de mémoire et d’histoire.

Deux baraquements ont été reconstitués à l’identique. Pas plus. Juste ce qu’il faut, avec les témoignages écrits et oraux pour prendre la mesure de l’entassement des prisonniers sur les lits en bois, la promiscuité, l’effarant nombre de personnes qui s’entassaient de plus en plus, comme jamais on ne traiterait même du bétail.

Le camp est un lieu du souvenir pour les survivants. Aussi y a-t-il été édifié une sinistre sculpture en mémoire de ceux qui y sont morts, en forme de barbelés. Mais les religions s’en sont aussi emparées. On y trouve ainsi une chapelle juive, un carmel, une chapelle catholique – les prêtres polonais ont été déportés ici en nombre –, une autre, protestante, et même une église russe en bois. On peut penser à de la récupération. Mais beaucoup de prisonniers enfermés ici étaient simplement persécutés à cause de leur foi. Chaque religion y entretient ainsi sa propre mémoire.