lundi 19 avril 2010

Le retour de la blanche

Un jour pas si lointain, j’ai été tenté par une aventure : me cuisiner une saucisse, une locale, une vraie. Or, quoi de plus Munichois que la Weisswurst ?


Me voilà donc parti chez un boucher de quartier, qui est aussi boulanger et épicier, on ne sait jamais. Je lui achète donc une paire de Weisswurst, car elles vont toujours par paire, contrairement aux Knödel, ces boulettes qui sont normalement esseulées, comme quoi il ne faut pas pousser la métaphore sexuelle trop loin. Le jovial boulanboucher m’a demandé si j’étais Français. J’étais un peu vexé et ai incriminé mon médiocre accent, mais il m’a assuré l’avoir deviné quand j’ai manifesté un vif intérêt pour le Rotweinkäse, un fromage au vin rouge (théoriquement). L’amour du vin et du fromage est bien un atavisme qui trahit le Français. J’assume.


Cuisiner une Weisswurst est une affaire des plus complexes. Il faut d’abord sortir les saucisses de leur paquet pendant que l’on fait chauffer de l’eau. Lorsqu’elle atteint l’ébullition, on plonge les saucisses dans l’eau, en coupant immédiatement le feu, si feu il y a. On attend dix minutes.

On pose un Breze sur la table, un pot de Senf. Il faut alors sortir les Weisswurst de l’eau pour les servir et manger immédiatement. Et c’est bon comme en brasserie ! Étonnant, non ?


lundi 12 avril 2010

Camembert!





On pourrait croire qu’au pays des Käse insipides sous plastique, le Français amateur de fromage risque de se souffrir sous le manque. Il n’en est rien. On peut trouver, en cherchant un peu, des fromages allemands dotés de cette rare qualité qu’est le goût, j’en parlerai peut-être une autre fois. Mais on trouve surtout les fromages français en grand nombre et en premier lieu, le plus connu d’entre eux, s’il en est le roi, le camembert.


Il n’est pas de supermarché qui n’en offre un choix important dans ses rayons (ci-dessus et ci-dessous, deux rayons du Galleria Gourmet. Il ne reste plus qu’à tâter la bête pour la faire vieillir à point chez soi.



Sur le formidable Viktualienmarkt, le marché en plein air, et bien ailleurs à Munich, on trouve de véritables fromagers qui regorgent de fromages français, et naturellement de notre camembert, parfois affiné de façon assez raffinée, en l'occurrence au Calvados.



Faut-il donc imaginer un Bavarois, de feutre et de plume chapeauté, se frottant les mains en humant la croûte blanche qui trône au milieu de la table ? Que nenni ! Ici, le camembert se mange cuisiné. La première spécialité est celle-ci, appelée l’Obazda. Le camembert (ou le brie...), un peu fondu, est mélangé à du fromage blanc frais, de l’oignon (parfois), des herbes et/ou des épices, parfois de la bière. Le mélange se tartine sur du pain dense et brun, cela va de soi. L’apéritif roi de la Bavière est l’Obazda !



Le claquos se cuisine également chaud. Tous les restaurants proposent ainsi du gebackener Camembert, du camembert cuit au four, après avoir été pané. Il est accompagné de Preiselbeeren, des airelles, souvent en confiture. Légèrement croûté, il est naturellement fondant lorsqu’on l’ouvre.

Assorti d'une salade, il fait office de plat principal, comme ici, Mais il peut aussi entrer dans la composition des copieux brunch allemands, dont vous avez ci-dessous un exemple berlinois, au milieu d'un autre fromage, lui aussi pané, sur un lit de pommes, juste fondues d'œufs brouillés, avec bacon et saucisse, de saumon fumé, de crevettes en sauce aurore, etc. Car Berlin est aussi une capitale en matière de brunch.



Vous voyez bien que l’on est ici de l’autre côté du limes.


lundi 5 avril 2010

Passion Bach d'abord

Pâques est naturellement un moment clé de l’année en ce pays très catholique. On a vu que les gourmandises brioches œufs et autres lapins, se consommaient très avant, malgré le carême (ici et ). Il en va de même pour la musique. Comme dans toute l’Allemagne, on y donne les Passions de Bach, mais l’on n’attend pas le week-end de Pâques. Les premiers concerts ont lieu dès le mois de février, en dehors des églises avec la venue de chefs prestigieux et spécialistes de ce répertoire comme Tom Koopman, Helmut Riling ou Frans Brüggen. La fête approchant les passion se multiplient et tous les orchestres, professionnels ou amateurs, emplissent les églises de Bach. Le dernier week-end, il y a en a des dizaines et l’on en sait pas où donner de l’oreille.

J’ai résolu le problème en étant absent de Munich pour Pâques et en allant écouter la Passion selon Saint-Jean bien avant, dans l’Herkulesaal de la Residenz. Cette « résidence » est le palais des ducs (puis rois) de Bavière, situé en plein centre ville. La salle moderne (des années 1950) prend la place et les dimensions de l’ancienne salle du trône, détruite pendant la Seconde guerre mondiale. À l’étage sont figurés les douze travaux d’Héraklès, en style mastoc. Pour une salle couverte de marbre, l’acoustique est bonne et je n’ai rien perdu des détails de l’œuvre, il est vrai jouée par un orchestre assez réduit, sur instruments d’époque.


Le chef, Frans Brüggen, accuse ses 75 ans. C’est un corps déchargé, cassé en deux, surmonté d’une tête de raisin sec et d’une crinière blanche, qui entre en trottinant sur la scène, s’assied sans façons sur un siège et lance immédiatement l’œuvre. Ce vieux monsieur, dont on craint qu’il ne s’endorme ou ne se brise comme du cristal, dirige avec attention et précision, faisant entendre une musique légère, et suscitant l’émotion tout au long des deux heures de la Passion. Les chanteurs étaient excellents, surtout celui qui chantait le rôle-clé l’évangéliste, qui raconte la passion (Michael Schäfer). Je n’ai guère trouvé de version disponible de la Passion selon Saint-Jean (Johannes-Passion) dirigée par Brüggen, mais vous pouvez la goûter ici par un très grand chef, John-Eliott Gardiner, avec son choeur d’entrée, qui est peut-être un de plus beaux chœurs jamais composés.






Êtes-vous désormais convertis à cette passion ?

samedi 3 avril 2010

La boutiquière va se faire voir chez les Grecs

Le torchon brûle entre l’Allemagne et la Grèce. Après bien des tergiversations, il y a certes eu un accord entre les Européens pour monter un plan de sauvetage financier pour la Grèce, mais les Européens ne débourseront de l’argent qu’en dernier ressort, suite à toute une série de conditions, au fond imposées par Angela Merkel. Celle-ci campe depuis plusieurs mois sur une attitude très intransigeante, demande une purge de rigueur à la Grèce et refuse de débourser pour l’aider. Il faut certes dire que l’Allemagne est corsetée dans des règles budgétaires très strictes, mais cela ne justifie pas tout. Elle connaît une véritable campagne de presse très violente contre la Grèce, dont le torchon à succès qu’est Bild est sans doute le fer de lance. Je n’achète pas cette chose, mais je vois bien des gens le lire dans le métro et j’ai ainsi pu voir une pleine page avec la photo de Merkel et ce slogan « Mme Merkel, s’il vous plaît, restez ferme sur votre NON », avec à la suite une série de « Non » dans toutes les langues européennes, y compris le grec (ochi)… Ils titrent sur « les Grecs ruinés », leur demandent de vendre leurs îles, etc. On voit le niveau du journal. Au pays de l’orthodoxie financière, les trucages grecs font mauvais effet et la corruption du pays est dénoncée à longueur de colonnes. Mais la campagne est nauséabonde, tant elle paraît imprégnée d’une mentalité coloniale – ces Allemands méprisent ceux chez qui ils vont chercher le soleil et le divertissement facile – voire xénophobe. Certes, la Grèce ne répond pas à bien des standards européens, la corruption y est massive, le marché noir universel, l’État pléthorique et faible, etc. Mais l’Allemagne a aussi, certes dans une moindre mesure, ses problèmes de corruption. Le problème n’est pas là. Si Angela Merkel cède à cette indigne campagne pour de basses raisons électoralistes – des élection se profilent – c’est indigne. Si elle agit ainsi en répondant à de sincères convictions, moralisantes, c’est irresponsable – et incohérent, car la morale n’a pas empêché le sauvetage des banques. La morale n’a rien à faire ici. La faillite de la Grèce, c’est la faillite de la zone euro et de l’Union elle-même, faillite symbolique – nous serions incapable de nous entraider – et risque économique majeur pour nous si la Grèce s’effondrait, comme on peut le craindre. Avec sa gestion de boutiquière, Mme Merkel risque d’envoyer l’Europe dans le mur. Signe d’une arrogance et d’un égoïsme de la nouvelle Allemagne, sûre de sa prospérité et guère décidée à la partager ? Incapacité de la chancelière à naviguer par gros temps ? Un peu des deux sans doute. Il existe fort heureusement une presse allemande très critique envers Merkel, la Süddeutsche Zeitung ou le Spiegel. Ne généralisons donc pas, même si l’irritation contre la Grèce est partout palpable.
Pour la peine je vais dépenser en Grèce l’argent que les Allemands me donnent.