dimanche 27 septembre 2009

Wahlen – aujourd’hui on vote

Depuis plus d’un mois, l’actualité allemande est dominée par le combat électoral (Whalkampf). Aujourd’hui est en effet renouvelé la parlement fédéral Depuis quatre ans, le gouvernement est entre les mains de la Grosse Koalition entre la droite (CDU-CSU) et la gauche social-démocrate (SPD) et dirigé par la sémillante Angela Merkel. Tous les partis disent ne plus vouloir de cette grande coalition, la droite proclamant vouloir gouverner avec les libéraux : ce serait la Schwarz-Gelb Koalition, car le jaune est la couleur traditionnelle du part libéral (FDP). A gauche, c’est le rouge, quel que soit le parti – car il y a désormais les sociaux-démocrates et « La Gauche », Die Linke, dirigé par Oskar Lafontaine. Si les deux partis s’alliaient, nous aurions une Rot-Rot Koalition, ou plutôt une Rot-Rot-Grün, car les Verts sont alliés du SPD. Mais le SPD proclame son refus catégorique d’une telle alliance. Un tel projet équivaudrait à donner raison à la scission conduite par Oskar Lafontaine, lui-même ancien président du SPD et encore considéré comme un traître au sein du parti. Officiellement donc, combattent une coalition de droite pure, une autre socialo-écologiste et puis Die Linke dans son coin, pour ne parler que des principaux partis.
On voit donc qu’un des thèmes de campagnes est la nature de l’alliance qui pourra gouverner demain. Le fait est qu’aucun parti ne peut plus gouverner seul en Allemagne et qu’une coalition doit se préparer en amont et c’est un des sujets les plus importants de la campagne. Le débat est ici assez naturel, l’esprit de compromis est imposé par la nature du système électoral (la proportionnelle) et inscrit dans les mentalités. Les habitudes françaises en la matière aboutissent souvent à mépriser ces alliances et les inévitables compromis qu’elles engendrent : le compromis n’est ni sexy ni joli. Il déplaît tant aux parangons de la pureté révolutionnaire qu’aux amateurs de dociles majorités gaullistes. Les Français n’ont pas vraiment compris l’essence de la démocratie qui est justement le compromis.
En Allemagne, le jeu est encore compliqué par le système fédéral, un peu chinois pour un Français, sans doute limpide pour un Suisse, habitué à des équilibres encore plus complexes. Or, il y a eu le 30 août trois élections partielles, en Saxe, en Thuringe et en Sarre. Ce fut la surprise : la CDU, donné largement en tête, a beaucoup perdu, au bénéfice des partis un peu plus petits. Le SPD s’est pas mal maintenu, mais le grand vainqueur a été Die Linke, atteignant jusqu’à 27 % des voix en Thuringe (Land de l’ex-RDA). Du coup, le SPD local fait moins la fine bouche pour les alliances et la CDU a même tenté d’imaginer des coalitions plus larges, ainsi la surprenante Jamaika-Koalition, soit noir(CDU)-jaune(libéraux)-verts. Les discussions ont d’autant plus été laborieuses que les choix locaux pouvaient entrer en contradiction avec les décisions nationales. A ma connaissance, le choix n’est toujours pas définitif en Sarre et en Thuringe. En Saxe, c’est un gouvernement noir-jaune qui a été installé, comme le souhaite la CDU-CSU. Mais les sondages ne sont pas excellents pour la droite, qui ne cesse de perdre des points. Théoriquement, elle est encore largement en tête, mais il pourrait arriver que le total des députés libéraux et CDU-CSU soit insuffisant pour atteindre la majorité. Inversement, il paraît peu probable que l’alliance verts-SPD puisse elle aussi l’obtenir seule. Bref, ce soir, les électeurs pourraient mettre un sacré désordre et imposer, soit une coalition inédite (genre Jamaica) soit, le retour à la Grande coalition dont aucun parti ne veut.
On reproche aux partis d’avoir mené une campagne terne ; le fait est que la campagne électorale allemande paraît bien mois passionnante que nos élections nationales en France. Assurément, ce n’est pas très amusant. Les débats télévisés, quotidiens, sont interminables. Pensez donc, les hommes politiques échangent des arguments précis, chiffrés, font des propositions détaillées. Les journaux les décortiquent le lendemain en critiquant même ceux de leur bord ; ce sérieux est assurément très pénible pour un Français. Mais on peut se rassurer, la démagogie sévit aussi ici. La CSU et la CDU font ainsi campagne sur la réduction des impôts, promesse électorale difficilement tenable avec des finances publiques en mauvais état. Il y a eu pire et, pendant une semaine ou deux, j’ai cru revivre le climat de la campagne présidentielle de 2002. Deux faits divers violents ont en effet provoqué une poussée de fièvre médiatique et politique. Deux adolescents en perdition ont ainsi tué un homme sur une ligne de S-Bahn (le RER de Munich), après que celui-ci se soit opposé à leurs tentatives de racket. La CSU a immédiatement réclamé l’aggravation des sanctions pénales pour les adolescents, par l’application des peines réservées aux adultes (je simplifie un petit peu, car le système allemand possède un dégradé de peines), le SPD s’y opposant fermement. Et les journaux de se remplir de considérations sur le sujet et d’interviews enflammées de politiciens en verve démagogique. A cela s’est ajouté le coup de folie d’un autre adolescent qui a tenté de massacrer ses camarades et d’incendier son lycée – il n’a fort heureusement pu faire que des blessés. Le thème sécuritaire a assez été agité pour qu’on puisse craindre le pire. Angela Merkel n’est cependant pas Nicolas Sarkozy et elle a calmé le jeu sur le sujet. La campagne, finalement, a surtout tourné autour des coalitions, de la crise, des impôts et de l’énergie nucléaire : certains, à droite, souhaiteraient la relancer en Allemagne.
Localement, l’ambiance de la campagne électorale est bien plus bon enfant qu’en France. Certes, les panneaux électoraux fleurissent partout, entourant le moindre poteau. Mais les militants ont plutôt discrets. J’ai surtout vu ceux du SPD, qui se battent pour motiver les indécis. Ici, près de ma station de métro, ils distribuent tracts et moulins à vent aux couleurs du SPD. Il faut supposer qu’ici, être un moulin à vent n’est pas négatif. Les meetings ne me semblent pas se tenir dans des grandes salles, mais plutôt sur les places publiques. À Munich, ils se tiennent sur la place de l’hôtel de ville (la Marienplatz). On y dresse une estrade sur un camion bâché, la foule est juste tenue à distance par des barrières, mais sans déplacement invraisemblable de policiers. Ils sont là, mais sans ostentation. Les orateurs s’arrêtent pour laisser chanter la mélodie du beffroi de l’hôtel de ville : la politique cède un moment la place au tourisme. Ce fut le cas samedi pour un gros meeting de la CSU, où intervenait son chef, le Ministre-Président chef de l’exécutif) de Bavière. Une façon plus ancienne ou simplement plus modeste de faire de la politique ?
La CSU a pour principal slogan de proposer une représentation forte de la Bavière au parlement fédéral : l’argument a du poids dans cet état bien sûr à part.
Chaque parti a dû avoir son moment sur cette place, mais vendredi, c’était le tour du NPD. La surprise était très désagréable ; son chef martelait ses principes en hurlant dans le micro, ce qui, en allemand, éveille toujours d’étranges échos. Etaient visibles quelques drapeaux allemands avec l’aigle noir ou la croix noire du Reich bismarckien (je n’avais malheureusement pas mon appareil photo). Le slogan principal de ce parti d’extrême droite est « Stop Islamisierung » ; en réalité, tout est crypté, comme au Front National, et l’on voit bien quelle est la nostalgie qui anime ce parti. Son succès est des plus médiocres ; il y avait plus de policiers que de militants du NPD. En revanche, le groupe était entouré de nombreux jeunes qui le sifflaient en tentant de couvrir l’orateur, et qui brandissaient des drapeaux des jeunes du SPD, des Verts et du FDP. Aucun signe tangible d’une présence de jeunes de la CU : soit ce parti n’a pas de jeunes en son sein, soit il s’accommode assez bien de l’existence du NPD. Du reste, a-t-on jamais vu en France des jeunes du RPR ou de l’UMP protester contre un meeting du Front National ? A priori, le NPD n’a aucune chance d’accéder au parlement fédéral. Malgré tout, bien que Munich soit une ville ouverte et progressiste, dans la Bavière conservatrice, au passé que l’on connaît, ce genre de réunions engendre le malaise.

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