samedi 1 octobre 2011

Je suis venu te dire que je m’en vais


Serge Gainsbourg - Je suis venu te dire que je... par melodynelson1972

À l’heure où vous lirez ces lignes j’aurais quitté Munich. Définitivement. Avec des cahots réguliers, le train de nuit file dans la nuit vers l’ouest. Mon devoir accompli, je retourne dans la ville lumière, au pays des pigeons, des toits en zinc, de la cinéphilie et des crottes de chiens. Adieu Weißwurst, Weißbier, vélo, Kaiserschmarrn, Käsekuchen, parcs, neige et Biergarten. Il faut bien s’en retourner vers mon boulot de dans deux ans.

Il n’est pas difficile de comprendre que je ne pars pas de gaité de cœur. Je finissais par me sentir ici chez moi. Oui, le parisien chez lui dans le « village d’un million d’habitants ».

Il me faudrait des pages pour dire ce que j’aime ici. Les gâteaux, bien sûr : (ici, mes préférés, ceux du Gartensalon - ici) nous sommes au paradis des pâtisseries. Mais aussi la Leberwurst, le pain, si varié, même s’il est rarement blanc, le goût des champignons, le sens des produits de saison et les schnitzel. Le calme, après la ruche parisienne, est lénifiant, comme le Munich vert, avec ses arbres autour des immeubles ou sautent avec grâce les écureuils, les parcs, les jardins et la nature si proche, avec ses lacs, dont je ne le lasse pas, ses grasses prairies aux vaches opulentes (et parfois baladeuses), ses montagnes souvent enneigées. Je me suis senti accueilli partout, comme on l’est toujours dans un magasin ou un restaurant. De prime abord, les relations humaines sont plus simples, plus directes, plus lisibles. Comment non plus ne pas se laisser gagner par la Gemütlichkeit, qui sauve la laideur de n’importe quel canapé – comme chez moi, où il est hideux, mais tellement agréable. Tout ce qui rend la vie plus facile, le sens pratique, du Bequem, qui met de l’huile dans tous ces petites tâches de la vie quotidienne. Essayez de fermer un carton, de franchir le portillon du métro à Paris, en revenant d’Allemagne, sans pousser des soupirs tant ça peut devenir une épreuve. Le contraste est sans appel. J’ai aimé aussi mes collègues, dont certains sont devenus des amis, chers. Simplement, sans arrière-pensée, sans jugement de valeur. Comment ne pas regretter les Biergarten, où je n’ai sans doute pas passé assez d’heures ? Comment n’a-t-on pas eu cette idée en France où il fait plus beau ? Boire une boisson fraiche, sous les arbres, sans service, avec des plats simples, que l’on peut emporter même depuis chez soi ? Une sorte d’aire de pique-nique aménagée, en ville, où il fait bon aller fêter… simplement la joie de vivre. Est-ce si compliqué ? Parmi mes souvenirs enchantés, se trouve aussi l’ambiance de Noël, la neige, les lumières partout, le Glühwein, les sourires sur les lèvres, la fièvre de faire plaisir… Et la musique, si importante dans cette ville, On peut même prendre goût à la Deutsche Welle, la musique allemande des années 1980.

Sisi..


Comment ne pas savourer encore les bars accueillants, les terrasses ouvertes en toute saison, la qualité de la bière? Ou la musique de la langue, que j’aime simplement entendre autour de moi.

Ne croyez pas que j’idéalise Munich ou l’Allemagne (vue depuis cette ville). J’ai aussi eu mes sujets d’agacement. La neige, je l’ai aimée, mais jusqu’à un certain point. Quatre mois, c’est trop ! L’hiver est long, on finit par se sentir comme une plante sans soleil, on les cherche convulsivement, le moindre rayon devient un sujet de pâmoison. Et puis cet ordre, si confortable, est un peu pesant. Trop d’ordre tue l’ordre. On se surveille, on vous dit même comment pisser. Cela dit, j’ai rarement eu à subir cette surveillance. Les Allemands sont aussi bien contradictoires : on prône le calme, on tombe à bras raccourcis pour la moindre note de Bach un peu trop haute chez le voisin, mais on use et abuse de tous les instruments les plus bruyants possibles, on a ici un pénible goût du moteur. Pour les voitures, cela a des effets parfois agréables, avec une présence régulière de beautés du passé
ou surprenantes, avec la plus grande concentration de Porsche que je n'ai jamais vue (c'est un spectacle quotidien)
Mais dans la vie de tous les jours, cela devient pénible.



pour les punir…
Autre contradiction : l’eau est excellente mais il est impossible de la consommer. Qui plus est, cette manie de mettre des bulles partout – les fameux schorrle – est à la longue lassante. Ils prêtent bien à sourire, aussi, ces Bavarois entrachtés pour n’importe quelle fête, endimanchés comme des manches, sombrant dans le kitch autant que dans la bière. Le fait est : ils s’habillent mal (et so what ?). Très mal.
Trop souvent l’humour n’évite pas la vulgarité – mais une vulgarité bon enfant qui peut amuser. La bière consommée massivement à même la bouteille par les plus (ou moins) jeunes, dans la rue, dans le métro, systématiquement fait un peu pitié.

Musicalement, il faut aussi subir la schlager et si la bonne humeur est toujours affichée, on peut trouver plus raffiné.

(encore qu’ici le refrain se finisse par « las uns fröhlich sein »...)

Une autre étrangeté, qu’il faut dévoiler : le plat le plus consommé par les Allemands n’est pas le rôti de porc à la choucroute ou la saucisse en petit pain, mais le curry thaï. Il est omniprésent à vous en dégoûter : les Allemands sont un peu obsessionnels ou routiniers en matière de nourriture. On pourrait aussi se moquer du dialecte bavarois, de l’accent qui en résulte et de tant de petits ridicules.

Mais tout cela n’est que peu de choses en regard de ce que j’ai apprécié ici, loin de tout ce qui me rendait Paris de plus en plus pénible. C’est personnel, naturellement, puisque lié aux conditions de travail, au mode de vie, à un état d’esprit, à mon entourage. J’ai aussi eu de la chance à Munich. Ce séjour est arrivé au bon moment dans ma vie. J’ai passé deux années merveilleuses, peut-être les plus belles. La seconde à deux, trois si je compte le travail…

Je m’en vais avec un serrement de cœur. La page se tourne, doucement. J’ai déjà un pied à Paris depuis quinze jours. Je m’adapterais, réapprendrai à aimer Paris, à oublier un peu München. Tout passe, avec le temps, qui, sur le sable…


Cette chanson…


Mais je revendrais de temps en temps : j’ai déjà pris des billets pour la mi-décembre…

À mes amis d’Allemagne, je dis au revoir, rien qu’un au revoir. À ma famille, à mes amis de France, un « à très bientôt », ne vous inquiétez pas, je suis heureux de vous retrouver. On peut laisser des parcelles de son cœur un peu partout en Europe sans avoir moins d’affection pour ceux qu’on aime.

Mais je ne quitterai pas Munich sur une note triste. Souvenons-nous que Munich c’est aussi l’endroit où l’on prise ce qui suit. Viel Spaß !

3 commentaires:

  1. Tu me manques déjà ! cette belle ville kitch qu'est Munich va me sembler bien allemande sans toi...
    Je suis à Paris pour au moins encore une semaine, ce serait donc avec plaisir que je te verrai si le coeur t'en dit !
    Mille bises

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  2. C'est un très joli billet, qui sonne très juste pour une expat comme moi. Il ne me reste donc plus qu'à te souhaiter un très bon retour parisien!

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  3. A Barbara: nous nous sommes ratés en effet, mais je reviendrais à Munich, qui ne peut que me manquer!
    A Pauline, merci pour ce petit mot. Le retour n'est pas facile, comme c'est prévisible, mais au moins puis-je facilement boire du bon vin rouge...

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