vendredi 18 décembre 2009

Étudiants, diants, diants, la suite


Les étudiants allemands arriveront-ils à obtenir gain de cause et à abattre le processus de Bologne ? S’il est difficile de deviner la suite des événements, j’en doute. Ils sont certes efficaces et bien organisés. La protestation passe naturellement par des manifestations mais aussi l’occupation des Audimax, les grands amphis des universités allemandes. Le mot d’ordre est « Unser Uni Brennt » (notre université brûle) mais l’inventivité des banderoles est presque infinie.
Ici celle qui figurait fin novembre dans le hall de la « nouvelle université » de Heidelberg, où l’on appréciera la dénonciation des notes en bas de page (« vous avez remplacé les philosophes par les bureaucrates/la pensée par les notes en bas de page/l'esprit par les boîtes à archives»).

L’occupation des Audimax est symbolique et ne nécessite pas un grand nombre d’étudiants. Mais ils ne sont pas délogés pour autant des locaux. Je ne connais qu’un seul contre-exemple, Tübingen. Même en Autriche, où les occupations sont totales (on dort et mange même dans les centres de recherche) et posent bien des problèmes, à ma connaissance, on ne déloge pas les étudiants. C’est qu’en Allemagne (au moins) les recteurs ne sont pas des agents du pouvoir mais des universitaires élus par leurs pairs dans chaque université. On comprendra qu’ils hésitent un peu à demander l’envoi de la troupe, comme on le fait si souvent en France. Pire, ils négocient et discutent avec les étudiants : l’occupation des Audimax s’est la plupart du temps faite avec leur accord. Discuter au lieu de taper, quel mauvais exemple !

Cela dit, le mouvement me semble (de façon empirique) plutôt minoritaire. Le nombre d’étudiants occupants et mobilisés ne paraît pas très impressionnant. A en juger par leurs modes d’actions, leurs revendications et la phraséologie, je dirais que l’on a affaire aux habituels étudiants d’extrême gauche et de leurs sympathisants. Calmes, policés, mais très déterminés. Il y avait, il y a trois semaines, une réunion à Munich pour la rédaction d’un appel européen. Des groupes de travail se sont réunis pour le préparer et le voter dans l’Audimax. Je suis allé y faire un tour le samedi. On mange, on dort dans l’amphi, bariolé de banderoles. Je n’y suis resté que quelques vingt minutes, assez instructives au demeurant. On y discutait longuement de l’usage des photos: allait-on autoriser les photographies de l’ensemble de l’amphi, totalement les interdire ou les autoriser seulement pour un coin de l’Amphi et si oui lequel et selon quelles modalités ? Chaque proposition est approuvée en silence on n’applaudit pas, on lève les deux mains en les agitant, « ainsi font font, les petites marionnettes »… On est loin du chaudron des AG françaises. La discipline est en apparence plaisante, mais le spectacle ridicule. On voit bien qu’elle n’empêche pas les discussions de s’ensabler dans l’anecdotique, dans le pinaillage dont raffolent les militants professionnels, les intégristes du combat.
Comme on peut le constater, je n’ai pas attendu le résultat du vote et n’en ai fait qu’à ma tête. Je suis toujours vivant. De cet appel, fort peu européen dans sa rédaction, je parierais qu’il ne sorte pas grand chose et que le mouvement n’obtiendra pas beaucoup.

À moins que… les Allemands sont surprenants. Les négociations en cours ont déjà donné quelques résultats : une partie des revendications concernant l’accès au Master pourrait être entendue. Le reste est une épineuse question d’argent ou tellement utopique que personne ne pariera sur leur réussite. Cela dit, le Président de la République (vous lisez bien), Horst Köhler, a prononcé assez récemment un discours dans lequel il disait comprendre les revendications et dénonçait le sous-investissement allemand dans les universités – pourtant bien moins grave qu’en France. On échange ?

2 commentaires:

  1. Fred (Industriel Issoirien)19 décembre 2009 à 11:39

    Difficile d'éviter les contradictions. C'est vrai que "l'envoi des troupes" n'est pas une solution satisfaisante mais nénamoins comment éviter qu'une minorité agissante ne finisse par bloquer une majorité qui voudrait travailler tranquille ? Et dans le cas de cette minorité, c'est la "phraséologie" qui a remplacé la philosophie, moi je préfère encore les notes de bas de page !

    Quant à la gratuité des cours, c'est évidemment une revendication démagogique... et débile car c'est surtout un cadeau fait à ceux dont les parents ont les moyens ou qui grâce à l'enseignement dispensé auront plus tard largement les moyens de rembourser ! La question est donc plutôt celle de faire payer chacun au juste niveau pour que l'université ait les moyens de former correctement.

    Ah ça fait du bien ça fait longtemps que je n'avais pas discuté politique et éducation avec toi.

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  2. les notes en bas de page, ça m'a fait sourire, c'est une réflexion de fainéant ou de gros naïf.
    Pour l'envoi des troupes, je voulais juste faire sentir le contraste avec les pratiques françaises. Chez nous, aux occupations désordonnées et tous azimuts répondent brutalités, provocations, manipulations et intimidations policières. On ne discute pas, on lance l'assaut. Et l'on s'étonne de la radicalisation de certains. Ici, je constate que seuls les grands amphis ont été occupés, pour servir de lieux de débats et que cela n'a pas empêché l'université de fonctionner par ailleurs. Il y a toujours eu un dialogue. Les étudiants, même les rigolos doux rêveurs, ont été pris au sérieux, respectés, sans pour autant que soient ne prises au sérieux leur phraséologie ni leurs rêves les plus naïfs. On a là une société tout simplement plus adulte, une démocratie plus ouverte.

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