lundi 6 décembre 2010

Le bulletin de vote et l’étranger

Dimanche 28 novembre, la Suisse votait le texte instaurant la double peine pour les étrangers, à la suite d’une campagne marquée par la violence xénophobe du parti auteur de l’initiative, l’UDC. Soyons juste : les Suisses romands se sont encore distingués en votant contre ce texte, contre le reste de la Suisse.

Pendant ce temps, à Munich, les étrangers étaient appelé aux urnes. Il s’agissait d’élire les 40 membres du Conseil des étrangers de la ville (Ausländerbeirat). Ce conseil, qui existe depuis 1974, est destiné à favoriser l’intégration des étrangers en leur donnant une voix sur certains projets, pour lesquels ils dispose d’un budget spécifique. Ce n’est pas grand-chose, mais cela témoigne d’une attitude bien différence de celle que l’on rencontre outre-Rhin, que ce soit vers l’ouest ou vers le sud.


Le bulletin de vote vaut la peine d’être vu. Déplié, il est plus grand qu’un quotidien allemand, ce qui n’est pas un mince exploit. En lieu et place d’un isoloir, de grandes tables sont là pour que l’électeur aie le temps de lire et la possibilité de cocher le ou les cases de son choix. Car le vote nécessite un peu de réflexion : 30 listes s’affrontent. Bien plus, chaque électeur peut accorder 40 voix (une par place au conseil) à sa guise , soit pour une liste, soit en panachant entre les listes, soit en pondérant son stock de voix. A condition de ne pas dépasser 40, ce qui nécessite un peu de calcul mental. Autant dire que le vote, c’est du boulot. L’intégration commence par là : en Allemagne, la politique c’est sérieux ; pour la comprendre, il faut faire fonctionner ses neurones. Une autre chose, piquante pour un Français : on ne vous demande pas vos papiers – amis parisiens de faciès basané, venez voter ici ! On ne signe rien non plus. Il suffit de venir avec le papier envoyé par la mairie. On vous fait confiance.

Jusqu’à présent, le procédé a un peu rebuté les étrangers de Munich (5,9 % de participation en 2004), mais, aux dernière nouvelles, nous nous réveillons.

Les listes sont instructives. Beaucoup sont nationales : « Afrika », « « Herceg-Bosna », « Italiener für München », « Albanische liste », « Deustche aus Russland », « Initiative Griechsche Vereine » et même des « Franzose für München ». Beaucoup de Turcs bien sûr, y compris la liste « Aktive Anatolische Arbeitsgruppe », mais aussi des listes confessionnelles (« Katholiker für München » – on y voit des noms slaves portugais, africains ou chinois – ou « Türkisch-Islamische Union »), une liste de jeunes actifs, une d’européens, d’autres favorables à mixité culturelle et nombre de liste à caractère non identifié.

C’est un bon portrait de l’immigration à Munich. Plus de 300 000 étrangers y vivent, soit près de 25% de la population. Il semble que Munich soit la ville allemande où les étrangers sont les plus nombreux. Beaucoup de Turcs naturellement, mais l’on y trouve aussi la plus importante communauté grecque d’Europe, de très nombreux Italiens, des Africains, des Portugais, des Russes et une masse très importante de natifs des pays des Balkans. Les autres Européens ou les Américains sont également nombreux, mais c’est une immigration spéciale : celle des étudiants, des professeurs, des ingénieurs dont a besoin cette ville riche, prospère, active, où l’industrie de pointe comme les services offrent beaucoup d’emplois. Entre tous ces groupes, on peut se demander comment le Conseil peut fonctionner. Il n’empêche : c’est un lieu de dialogue. Qui montre à l’immigré qu’ici, être un étranger offre des droits. Que l’intégration est une voie, pas une injonction assortie de menaces.

Post-scriptum (07/12): Les résultats sont tombés hier: une participation de 7,1 %... Le conseil est désormais composé à parité de 20 hommes et de 20 femmes. Pour les nationalités: 11 Turcs, (dont 6 de "l'alliance islamo-turque"), 3 Grecs, 2 Italiens, 2 Polonais, 1 Irakien, 1 Bosniaque, 1 Chinois, 1 Français, 1 Croate, 1 Brésilien, 1 Nigérien, 1 Burkinabé, 1 Colombien, 4 Germano-Turcs, 1 Germano-bulgare et 8 Allemands.

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