samedi 7 novembre 2009

Au pays des cinq lacs


L’automne a apporté la pluie, le froid, le vent et les bonnets. Mais il a le bon goût de laisser le soleil briller en fin de semaine, ce qui m’a donné l’occasion d’aller voir quelques lacs au sud de Munich. La Bavière est constellée de lacs, autant de signes de pistes argentés qui conduisent sans qu’on n’y prenne garde au pied des glaciers alpins. Les Bavarois y affluent l’été pour y enlever leur Lederhose et s’esbaudir en petite tenue. La saison ne s’y prête guère, les pontons sont déserts et les bateaux sont à quai. Il n’y a que les canards, les poules d’eau ou les mouettes qui sillonnent les lacs. Lorsque le soleil les illumine, c’est donc à la fois un enchantement et un calme reposant. Je suis allé dans une région nommé le Fünfseeland, le « pays des cinq lacs », au sud de Munich. Il y en a bien plus en réalité, chacun ayant des excroissances, des parasites, des satellites, mais on n’a dénombré que les plus importants. Le Starnbergersee est le premier d’entre eux. À tout seigneur tout honneur, j’ai commencé par lui, le dimanche 1er novembre.


Les journées sont courtes, le soleil est rasant. Aussi la lumière découpe-t-elle les plans et le soleil faut-il miroiter l’eau, sur laquelle se détachent les ors, ocres, les rouges, les bruns pâles des feuillages, l’argenté des roseaux et les silhouettes sombres des oiseaux. Le matin, une brume légère et mince flotte à la surface du lac et dans les vallées à l’horizon. Au dessus, s’élève, gris-bleu, la crête des Alpes. Lorsque le soleil se lève un peu, que l’atmosphère se réchauffe et que les brumes s’évanouissent, on distingue les glaciers, les neiges que le réchauffement climatique n’a pas encore faire fondre dans les Alpes Bavaroises. Ce lac est très grand, et il était hors de question d’en faire le tour : 54 km. Je me suis donc contenté d’une marche de quelques kilomètres sur sa rive ouest, le long de pontons et des joncs. La pause déjeuner s’est faite dans une grosse bâtisse blanches aux murs décorée de fresques, une Gasthaus chaude et tranquille qui offrait de délicats plats bavarois et suisses, parfaits pour la saison. L’estomac bien lesté, j’ai pu me hisser à l’assaut d’une hauteur surplombant cette rive, appelée l’Ilkahöle. La montée se fait tantôt à travers une forêt où les pas font bruisser les feuilles dorées qui tapissent le chemin, tantôt à travers des chants verts, gras, humides, éclatants de santé. Voilà qui donnerait presque envie d’être une vache pour aller les brouter. Il y en a à foison, des vaches, dans cette région : avant de les voir, on les entends meugler et l’on imagine le fumet de buée qui s’échappe alors de leur museau. Dans l’air flotte une odeur entêtante, grasse elle aussi, de fumier. Mais elle est diffuse, on n’a pas le nez dedans. Au fond, elle fait du bien à l’âme qui se sent vraiment loin de la ville. De là-haut, on a une vue encore plus belle sur les Alpes, la surface du lac, les échancrures de bois cramoisis, parfois un peu déplumés. Le chemin conduit à une église surmontée, comme souvent, d’un épais bulbe, où a lieu, dans le cimetière qui l’entoure, la cérémonie de la Toussaint. C’est comme pour les vaches, on l’entend, à cause de la musique, et surtout on la sent avant de la voir : l’encens y est consommé dans une telle quantité que l’odeur en était perceptible quelques centaines de mètres sous l’église. En contrebas de celle-ci, la jouxtant, se trouve à nouveau une Gasthaus, avec une terrasse qui fait office de Biergarten où les chopes s’entrechoquent joyeusement. On boit, on va à l’église, on reboit… Il ne reste plus qu’à redescendre avant la tombée de la nuit, donc avant cinq heures.

Aujourd’hui, c’était le tour d’un autre lac, le second en taille, un peu plus à l’ouest, l’Ammersee. Il est tout aussi facilement accessible que le Starnbergersee : comme pour son voisin, il est le terminus d’une ligne de S(Schnell)-Bahn qui traverse le centre de Munich. On y est, dans les deux cas, en trois gros quarts d’heure. C’est un peu comme si le RER nous conduisait directement en Sologne, avec vue sur les Pyrénées. Ce lac, de prime abord, est un peu moins séduisant que le Starnbergersee. Mais le soleil était souvent voilé. Le vent, qui avait soufflé très fort dans la semaine, avait enlevé la plupart de leur parure aux arbres qui entraient dans l’hiver. Il vaut néanmoins le détour, avec d’autres perspectives, et une épaisse forêt qui recouvre les hauteurs qui le bordent à l’est. Elle est plus sombre, bien plus humide encore que les bois du Starnbergersee : la mousse recouvre les troncs, les rochers, l’eau ruisselle de partout. L’humidité se respire, comme si la forêt était un lieu clos sur elle-même, pas aéré. C’est une véritable odeur d’humidité, parfois teintée de putréfaction : les tapis de feuilles se transforment en humus. Je l’ai traversée pour monter voir un monastère assez réputé, celui d’Andechs. On y jouit, là encore, d’une belle vue sur les sommets alpins. Ce lieu de pèlerinage assez ancien possède une église baroque de belle taille, comme il se doit richement décorée. Je dois me germaniser car j’ai apprécié ce décor vraiment luxuriant. C’est peut-être une question de lumière. Outre l’église, l’autre pôle d’attraction est la brasserie des Bénédictins, qui est dotée d’immenses salles, au plafond bas, où des centaines de personnes s’entassent pour boire cette fois ci pas moins d’un Maß de bière. Plusieurs terrasses permettent aussi d’accueillir des foules encore plus nombreuses de pèlerins. Ici encore, la piété et l’alcool font bon ménage. J’ai cependant suivi le conseil affiché dans la salle «souviens-toi que tu dois aussi rentrer chez toi» et n’ai pas bu de bière.

Ah ? Tiens, mais que font ces bouteilles dans mon sac à dos ?

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Ceux qui ne sont pas lassés peuvent voir d’autres photos ici.

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