mardi 17 novembre 2009

Le lac, les morts

L’automne laisse quelques moments de répits pour aller à nouveau goûter l’air frais de la « région des cinq lacs », à nouveau le Starnbergersee, mais sur sa rive est.



Une très belle campagne, entre forêts de plus en plus déplumées, champs labourés, grasses prairies ou paissent vaches et chevaux, et villages très soignés : c’est un des endroits d’Allemagne où la concentration de riches est la plus forte. On ne compte plus le nombre de demeures d’architectes, qui, soit dominent le lac, soit, perchées sur un petit coteau, s’offrent une véranda avec vue sur les Alpes. Si le temps était couvert, le foehn, venu d’Italie, soufflait sur les Alpes et les illuminait. Les nuages ne pouvaient s’y attarder très longtemps. Il arrive que ce vent qui rend fou s’aventure jusqu’à Munich ; on y voit alors des Munichois très énervés et les sommets enneigés, depuis la ville. Ces vues font le succès des cartes postales de Munich mais on ne peut en profiter, semble-t-il, que deux ou trois jours par an.

Les villages sont donc avant tout des villages de riches retraités ou résidents secondaires, au milieu desquels sont glissés des paysans de moins en moins nombreux. Mais il reste encore une vie locale et je suis tombé sur une de ces manifestations, un peu au-dessus du lac, exactement à Aufkirchen-Aufhausen. C’était le jour des morts, des morts à la guerre. À côté de l’église, se dresse le monuments aux morts, un cippe où est sculpté un soldat allemand reconnaissable à son casque modèle 1918, avec une impressionnante liste des pertes des deux guerres. Tout autour étaient rassemblés, en uniforme, les pompiers volontaires (à gauche), des soldats des troupes de montagne, des vétérans et des villageois en Tracht, les premiers arborant leurs médailles, et une musique – les musiciens étaient aussi entrachtés. Outre les drapeaux, on distingue aussi les prêtres : c’est une cérémonie nationale et religieuse, nous sommes dans un pays où l’Église n’est pas séparée de l’État. Il paraît qu’il y a eu pour cette raison des tensions avec certains prêtres, qui ne supportaient pas le caractère trop national, voire nationaliste, de la fête. Ce caractère se serait fortement estompé. Les vidéos que j’ai tournées avec mon appareil photo sont des plus médiocres, la définition état minimale. Mais vous aurez la musique, avec quelques coups imitant le canon, et le défilé final. J’ai entendu l’hymne national allemand, mais aussi « Ich hat einen Kameraden... » et l’hymne national bavarois, État fédéral oblige.


Tout le monde était très concentré, très droit, presque martial, mais on me dit que c’est très clairsemé et que cette tradition dépérit un peu. La date ne correspond bien sûr à aucune des deux guerres mondiales, perdues par l’Allemagne.


Un détail amusant : un peu plus loin, sur une colline, dans une forêt, des nationalistes ont fait bâtir dans les années 1920 un monument pour Bismarck, qui a le don d’exaspérer les Bavarois. C’est que le bougre a construit l’Allemagne contre les Bavarois, battus avec leurs alliés autrichiens. Ce n’est assurément pas un héros bavarois et il a assez mauvaise presse dans l’Allemagne d’aujourd’hui, profondément pacifiste, contrairement à ce que cette cérémonie pourrait laisser entendre. Pendant celle-ci, la population alentours faisait son jogging du dimanche, promenait le chiens et les enfants, voire plongeait en combinaison de néoprène dans le lac.

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Pour les curieux, j'ai ajouté d'autres photos à la fin de l'album des cinq lacs.

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