mardi 20 octobre 2009

Entrachtés




Le Bavarois en culotte de peau, un cliché ? Non. À la belle saison, bon nombre de Munichois sont vêtus de costumes traditionnels, les Trachten. Pour les hommes, c’est le Lederhose, la rigide culotte de peau tenue par des bretelles, assortie d’une chemise à carreaux, de gros godillots et de chaussettes en laine. On peut y ajouter un petit chapeau vert et un gilet. S’il fait froid, c’est un gilet de laine, comme tricoté par une grand-mère très myope et un rien parkinsonienne. Les femmes portent une Dirndl, une robe au décolleté en «U», plongeant, qui recouvre un chemisier blanc et est munie d’une tablier. Ce pourrait être très sage, si la fonction principale de la tenue n’était pas de mettre en valeur ses seins. Les sceptiques peuvent le vérifier sur ce lien ou celui-ci. Une subtiliapparaît (enfin) dans la place du nœud du tablier : noué à droite, on est en couple, à gauche, libre, derrière, veuve, et devant, on n’est pas vraiment libre mais, qui sait, tout est possible. L’homme, quand à lui, se contente de montrer ses mollets. Le montagnard peut faire impression, mais le citadin…

Comme tous les costumes folkloriques européens, ces Trachten ne doivent pas être antérieurs au XIXe siècle, dans le meilleur des cas. Ils ont été mis au goût du jour dans la seconde moitié du siècle dernier, lorsque les publicitaires ont commencé à les utiliser comme symboles de la bavaritude. L’Oktoberfest est le moment où ils s’exposent le plus. La fête commence par un défilé de Trachten dans Munich. Mais toute la population semble en porter, tant on y croise de gens entrachtés. Sur le site même du Theresienwiese, on estime qu’au moins la moitié des visiteurs en est vêtue : les touristes en achètent aussi massivement, et de plus en plus. Ce sont les « horribles Dirndl des touristes », pour reprendre la formule d’une amie française qui habite à Munich – à vrai dire, si l’on voit bien qu’elles sont plus coûteuses, les Dirndl des Bavaroises ne me semblent pas devoir susciter plus d’enthousiasme que celles de touristes. Une enquête sociologique a conclu que les touristes s’habillent ainsi pour s’insérer en Bavière ; il est plus facile d’acheter une Dirndl que d’apprendre l’Allemand, surtout en version bavaroise. La conversation est de toute façon limitée lors de l’Oktoberfest. Mais j’y verrais plutôt un « syndrome Dupond et Dupont », qui s’habillent en evzones dans les Balkans pour faire couleur locale. Sans doute le déguisement contribue-t-il aussi à l’ambiance festive et à désinhiber celles et ceux qui, de toute façon, ne sont pas venus là pour visiter l’Alte Pinakothek.
Les marchands ont flairé le filon et la mode s’en est emparée. Ses publicitaires parviennent à cette occasion à élever des monuments au bon goût allemand : cette page, (à gauche) qui en témoigne, est tirée du magazine In München, qui recense toutes les sorties culturelles de Munich, mais j’aurais pu en montrer beaucoup d’autres. On y voit que le Lederhose peut désormais être porté par les femmes, à condition d’être très court. Il permet d’aguicher par le bas, alors que la Dirndl attaque par le haut. Mais il est tout aussi simple de raccourcir la robe en une mini-jupe, qui m’a parue aussi tendance – je n’ai que cette photo volée pour en témoigner, mais elle est assez éloquente. Du côté des hommes, les plus jeunes innovent par le syncrétisme entre le Lederhose et la tenue de supporteur du FC Bayern. Dans ce cas, les bretelles pendent le long des cuisses, signe de décontraction extrême et, souvent, indice d’un taux d’alcoolémie fort élevé.


Ces fantaisies sont propres à la période de l’Oktoberfest. Mais les Munichois en Trachten étaient déjà nombreux au mois d’août et l’on en croise encore beaucoup, surtout le dimanche. Certes, l’appel à la copulation joyeuse a disparu, tout a été rallongé. Certes, les entrachtés sont plus âgés. Mais leur nombre, même dans une ville moderne comme Munich – c’est naturellement bien plus répandu dans les campagnes – montre que le cliché repose sur une réalité.

Pour les curieux, plus de photos de Trachten et plus de bon goût ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire