jeudi 29 octobre 2009

Un peu de politique allemande : die Kanzlerin Merkel II


L’événement du mercredi…

L’événement de la semaine est l’investiture de la chancelière par le nouveau Bundestag hier mercredi. La presse, dont je suis largement dépendant, se plaît d’abord à souligner la réussite de la chancelière, malgré les pertes de la CDU-CSU. Elle s’est après tout débarrassée du SPD, qui est abattu et pas près de se relever. Son autorité est incontestée et son style sobre, discret, un peu terne mais ferme, plaît, même à un journal plutôt à gauche comme la Süddeutsche Zeitung (SZ), qui la qualifie de Bürger-Präsidentin : elle préside, fermement, mais comme une citoyenne.


Ca coince ?
Tout ne sera pas facile pour autant, car il faut gouverner, et dans une nouvelle coalition, avec des libéraux qui s’estiment, en raison de leur beau score et de l’impression qu’ils ont d’avoir imposé la plupart de leurs thèmes de prédilection aux Unions (CDU-CSU). De fait, ça coince un peu, il y a des tiraillements, des ambiguïtés délibérées et il est probable qu’une partie des promesses de campagne se perde en cours de route. Ainsi, sur le nucléaire : l’Allemagne devrait théoriquement se renucléariser, mais Merkel semble freiner et la SZ résume le choix par une formule typiquement allemande : Jein. Une sorte de ni-ni en quelque sorte.
Les baisses d’impôts devraient être effectives, même si elles seraient moins importantes que ne le voudrait le FDP. On prédit que 70 % des allemands en bénéficieraient. La démagogie a ses limites, y compris dans les rangs de la CDU, qui n’est pas comme l’UMP un parti de godillots : des voix s’élèvent, dans les Länder, pour protester énergiquement contre ces baisses, qui grèveraient leurs finances – par un mécanisme qui m’échappe. Il sera vite urgent de ne pas trop se presser sur ce point, mais les tensions entre les trois partis seront alors vives.
Autre sujet qui pourrait être consensuel, la réduction du service militaire de 9 à 6 mois. Le service militaire n’est guère populaire ici et, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, ne l’a jamais été. Mais la mesure serait coûteuse pour la société et l’économie : plus de la moitié des Allemands n’effectuent pas leur service militaire (Wehrdienst) mais un service civile, Zivildienst: ce sont les Zivis. En 2008, ils étaient 88 000 contre 68 000 appelés. Ils sont partout, les administrations, les institutions comme le Goethe Institut, où ils doivent être à Munich une demi-douzaine (sur environ 1 500 Zivis pour toute la ville) et, bien sûr, dans le domaine de l’aide sociale, où l’on râle ferme. La caravane passera-t-elle quand même ? Il y a bien sûr bien d’autres points de friction, mais c’est bien assez pour aujourd’hui.

La chancelière sur l’échiquier
Outre ces questions de programme, la chancelière va devoir manœuvrer face à un partenaire ambitieux, Guido Westerwelle, chef des libéraux du FDP. Il a été dans l’opposition à la chancelière dans la mandature précédente, s’estime porté par le vote du mois dernier et est bien disposé à pousser ses pions idées. En apparence, il a une place de choix comme vice-chancelier et ministre des affaires étrangères, où l’un de ses modèles, le libéral Hans-Dietrich Gaenscher s’illustra dans les années 1980. Mais Merkel n’est pas Kohl et avait mené elle-même la politique étrangère lors de la mandature précédente, réduisant le SPD Franz-Georg Steinmeier à un «Grussonkel» (SZ, mot intraduisible mais fort clair). Les Français connaissent aussi ce type de rapports. Avec le prestige de la réélection, il est fort peu probable qu’elle laisse Westerwelle se tailler une stature. Il devrait être tenu en laisse et certains analystes pensent déjà qu’il a commis une grossière erreur en prenant ce portefeuille, alors qu’il aurait pu briller par exemple aux finances. Il pourrait être réduit à n’être qu’un «ministre du petit déjeuner» (SZ).
En France, on se gausse de l’allure mémère de Merkel, de son côté terne et rigide. On al sous-estime sans aucun doute. C’est une fine tacticienne, qui n’est pas arrivée là par hasard, dans ce monde encore matcho, par hasard – au passage, je signale que le Bundestag comporte encore 67 % d’hommes, 78 % pour les députés CDU. Un exemple : Merkel a désigné l’actuel Ministre-Président du Bade-Würtemberg (capitale Stuttgart), Günther Oettinger, qui n’a pas brillé dans le poste, mais qui est un homme de dossiers, comme Commissaire européen. Le choix est approuvé, et elle honore par ailleurs une personne qui l’a critiquée. Or, le successeur d'Oettinger à Stuttgart sera l’un des proches de Merkel, Stefan Mappus. D’une pierre, elle fait deux coups.
D’autres calculs tactiques risquent de freiner les réformes ardemment souhaitées par les libéraux, notamment les élections de mai 2010 dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie (en gros, le Rhin, la Ruhr), où la domination de la CDU est fragile et où son ministre président tire la sonnette d’alarme sociale. Westerwelle va se faire des cheveux blancs.

En bonus
- Un détail : ici, on aurait très mal vu la nomination de Tony Blair comme président de l’Europe. On est soulagé de le voir rejeté par les socio-démocrates. Moi aussi.
- Encore Asterix : à la radio comme dans la presse écrite on célèbre aujourd’hui les 50 ans du petit bonhomme. Même la sérieuse et coincée Frankfurter Allgemeine Zeitung s’y met. C’est l’occasion d’apporter quelques informations capitales. Ici, Asterix et Obelix conservent leur nom, mais Panoramix devient Miraculix, Abraracourcix est Majestix et Assurancetourix Troubadix. Les chefs Goths perdent aussi leurs beaux noms, Passmoilcric devient Mickerik («Faiblard»). Côté jeux de mots, l’Allemand est perdant.
- A Munich, un étudiant français complètement saoûl dormait sur les quais du métro. Il a roulé sur les rails et par miracle n’a été que légèrement blessé à la min par le métro qui lui est passé dessus. Il était 6 h 40 du matin. Et on dit que ce sont les Allemand qui boivent le plus !
- On s’apprêtent aussi à fêter, comme partout désormais, Halloween. Ici, cela donne lieu à beaucoup de soirées musicales, on danse beaucoup – le nombre de «party» est assez impressionnant à Munich. Mais ce n’est pas du goût de la majorité conservatrice du Land de Bavière, qui a décidé d’interdire ce jour-là toute soirée dansante au-delà de minuit, pour respecter la catholique fête des morts. La CSU catholique veut mettre au pas les teufeurs. Ce n’est pas gagné.


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