lundi 19 octobre 2009

Musées de nuit

Mes collègues allemands qui connaissent Paris nourrissent un complexe : Munich serait une petite ville provinciale. Il se passe pourtant toujours quelque chose à Munich. Samedi, c’était la « Longue nuit des Musées », Die Lange Nacht der Münchner Museen – si on place les mots dans le désordre, on pas avoir une désagréable réminiscence. Tous les musées de Munich, plus de 80 sites, étaient ouverts de 19 à 2 heures du matin. Naturellement, une telle nuit paraît courte au Parisien, mais pour le Munichois qui commence et finit plus tôt (y compris les sorties en boîte), c’est déjà une bien longue soirée. Comme toujours, c’est riche, amusant, bien organisé, facile à vivre. Il est naturellement impossible de faire le tour des lieux ouverts cette nuit-là, et, comme on y prend goût, on en ressort avec une furieuse envie de recommencer.

Le Deutsches Museum, qui fut mon point de départ, est un des plus grands musées de technique du monde, si ce n’est, selon les autochtones, le plus grand. Un musée technique n’est pas a priori alléchant, mais celui-ci est une merveille. Toutes les curiosités peuvent y être satisfaites. Celui qui aime la marine peut admirer des dizaines de bateaux intégralement conservés, parfois écorchés pour qu’on admire leurs entrailles, associés à des centaines de maquettes, d’explications techniques de toute sorte. Il peut s’amuser à tirer sur des boutes, palper de la fonte, ou à scruter l’intérieur du premier U-Boot de la Kriegsmarine. Le passionné de science se perd des heures dans des salles pour redécouvrir les rayons-X, le mélomane s’extasie devant la collection d’instruments de musique, l’ingénieur en herbe comprend comment on construit les tunnels – ainsi, le Simplon, à taille réelle. L’aréophile saute de joie devant, là encore, les dizaines d’avions de tous temps qui sont conservés là, admirablement mis en valeur, et dans les quels il peut rentrer. Cette nuit-là, au milieu de ces avions, entre deux ailes et trois empennages, sous un réacteur, un pianiste assurait l’ambiance piano-bar, car un bar y était installé, où nous avons mangé et bu. Magique ! À la sortie, un va-et-vient incessant de voiture nous a surpris : musée et particuliers avaient remis en service des voitures de collection qui conduisaient de ce musée vers le musée de la circulation. Nous avons donc pris la première qui se présentait une Ford Mustang (1967 ?). Son moteur rugit comme un tigre, même pour faire un bon de 2 km-heures. Au ralentit, on se croit dans un bateau.

Un musée de la circulation n’est pas lui aussi a priori attirant. Mais le même principe et la même qualité de présentation suscitent un constant émerveillement. Combien de splendides voitures sont exposées dans ces grandes halles ! Combien de trains de toute sorte, du funiculaire suisse au ICE sont là, comme à quai, où l’on peut souvent entrer. Et autant de vélos, de motos, de camions, de bus, de trams, voire de skis… Là encore, de la musique surgit de partout.

Le retour s’effectua dans une Nash 1930. Casquette vissée sur le crâne, on a envie de sortir brusquement avec son camembert et de mitrailler une vitrine. Nous nous sommes contentés de pousser la voiture sur quelques mètres lorsqu’elle cala à un feu rouge. Puis les lignes de bus créent spécialement pour la soirée nous conduisent dans le quartier des Pinacothèques. Ce fut la Neue Pinakothek – dont on ne peut évidemment faire le tour en une heure. J’ai achevé la soirée dans un drôle d’endroit, un luxueux bâtiment construit par BMW en plein centre ville pour y exposer ses modèles. Y était projeté Metropolis de Fritz Lang, accompagné en direct par un trio de musiciens, pianiste, violoniste et percussionniste, avec une musique composée par eux pour le film. Le cinéma muet offre alors une sensation avant tout physique qui imprègne encore plus le corps que la rétine et infuse longtemps après la projection. D’autres sont allés voir des installations, des projections dans des églises, voir des villas, des galeries d’art contemporain, des concerts dans des hôtels, etc.

On rentrait enfin, plein de sensations, le sourire aux lèvres, entre deux et trois heures, par les trams et les bus de nuit, avec les jeunes (ou moins jeunes) bobos de Munich qui sortaient de boîte, éméchés et joyeux.

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