samedi 16 octobre 2010

Le rouge et le brun

Telles sont les couleurs de la France actuelle, vue de l’extérieur. Rouge, de colère, de manifestations, de grèves, de protestation. Brun, par la politique actuellement menée, qui exploite allègrement la xénophobie et la peur de l’autre. L’ambiance est-elle si différente ici ?

Elle a la réputation de l’être, réputation qui n’est pas usurpée, mais les choses changent. La grève des transports munichois, dont j’ai parlé ici, vient de s’achever. Elle a duré trois semaines - et s'est achevée sur un résultat que j'ignore... Elle fait suite à une grève de pilotes, elle pourrait être suivie par une grève des cheminots de la Deutsche Bahn. Ceux du métro voulaient tout simplement un salaire meilleur : une grève de riches en effet ; on n’en est plus là en France.

Les Allemands sont disciplinés, c’est assez vrai. Mais ils manifestent, beaucoup. Le fait qu’il s’agit souvent, comme ici l’an passé, des verts, et plus précisément des opposants au nucléaire, qui manifestent plusieurs fois par an. À une tradition d’opposition active s’ajoute la volonté du gouvernement actuel de revenir sur la promesse de l’ancien en prolongeant la durée de vie des centrales nucléaires. Mais ces manifestations ont tendance à s’intensifier.

De plus en plus, les Allemands descendent en masse dans la rue pour s’opposer physiquement à des projets. L’exemple paradigmatique est le projet de la nouvelle gare de Stuttgart, dite « Stuttgart 21 » (long dossier ici). La gare actuelle est vieille, très laide et constitue un cul-de-sac. Le projet vise à construire une vaste gare, qui pourrait être traversé. Il implique une très grosse opération urbanistique, un bouleversement qui soulève depuis de longs mois des oppositions farouches. (adp)

On reproche au projet son gigantisme, la saignée urbaine qu’il impose, son coût et surtout la prise de décision, loin des habitants concernés. D’une manière générale, on souligne le fossé entre les élites politiques et techniques (ici les ingénieurs, les architectes) et la population. Nous connaissons bien cette situation. La police a récemment brutalisé les manifestants,

(BZ. Je vous épargne la photo de l'homme dont l'œil pend sur le visage, qui a fait bien des "unes" ici)

on a dû nommer un médiateur, qui n’a pas la tâche facile, tant les positions se sont radicalisées. Comme la chancelière soutient le projet, l’enjeu devient national : des élections auront lieu au printemps prochain dans le Land concerné, qui pourraient coûter la direction du Land au parti de la chancelière. Cette défaite aurait de lourdes conséquences nationales, mais nous verrons bien.


La presse saisit l’occasion pour s’interroger sur cette nouvelle passion protestataire, si peu allemande, et qui déborde largement les cercles habituels des activistes de gauche (ici et , la SZ, ou , Die Zeit). Dans l’échelle de la protestation, les Allemands me paraissent néanmoins pouvoir encore faire des progrès. En voilà assez pour le rouge.


Le brun est banni de la vie politique, c’est un fait. Mais la peur de l’étranger ? Après le livre nauséabond de l’économiste (ex-SPD !) Tilo Sarazzin, qui a été débarqué du conseil de la Deutsche Bank, des voies officielles s’élèvent pour appeler à stopper l’immigration. La dernière en date est celle du ministre-Président de Bavière, Horst Seehofer, de la très conservatrice mais pas extrémiste pour un sou CSU. Il vient de déclarer qu’il ne fallait plus accepter d’immigrés notamment turcs et arabes. «La société allemande ne peut pas servir d’aide sociale pour le monde entier». «La société pluriculturelle est morte» («Multikulti ist Tot»). Et d’insister sur les racines judéo-chrétiennes de l’Allemagne. Quant à la chancelière, elle a ainsi apporté sa pierre au vif débat sur l’intégration (entendez : des Turcs) : elle insiste à juste titre sur l’apprentissage de la langue, mais aussi sur le christianisme. Qui ne l’accepte pas, « n’a pas sa place ici».

Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ?

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