lundi 18 octobre 2010

Le joug de la tradition – l’historien devant la glace

Il y a quelque temps que j’ai raconté les défilés qui inaugurent les deux semaines de l’Oktoberfest. Des chars très décorés menaient les tonneaux des brasseries vers le site de la fête. Un mini-défilé quotidien s’y ajoutait sur le Wiesn, chaque brasserie faisant conduire le matin un ou deux chars devant sa tente. On entendait de loin venir le tintement de clochettes fixées sur le joug des puissants chevaux de trait.

Puissants, mais non dépourvu de grâce, comme en témoigne cette patte, qui fait la pointe.

Ces défilés de chars bariolés, de membres de sociétés de tir en costume traditionnel et de serveurs et serveuses le bock à la main sont justifiés dans le discours officiels par une tradition. Quand on les regarde, on se demande malgré tout à quel point cette attraction touristique n’est pas une création récente, voire un attrape-gogo. On sait par ailleurs à quel point les costumes « traditionnels » ou « folkloriques » de nos campagnes sont des créations récentes. Cela me faisait un peu sourire.

J’avais tort. Une intéressante exposition consacrée aux 200 ans de l’Oktoberfest se tient en ce moment au musée de la ville de Munich. Parmi de très nombreux objets, on trouve ainsi une série de dessins du XIXe siècle qui représentent le défilé inaugural. Voici un extrait d’un dessin, daté de 1835. En regardant de plus près, on voit bien les mesures de bière que brandissent les serveuses, dans ce char fleuri.

En voici un autre (de la même série), qui représente le char d’une brasserie installée sur le Wiesn. Si l’on considère une photo prise cette année, on est frappé par la proximité des types de chars : la continuité est réelle, la tradition n’est pas une invention de la fin du XXe siècle. Voilà près de deux siècles, l’exposition le montre, que l’on défile et que l’on se pinte selon des modalités très proches. Le conservatisme bavarois n’est pas une légende.

L’exposition a bien des richesses. Elle permet surtout de comprendre, ce qui n’est pas si courant dans un monde où la muséographie l’a emporté sur la réflexion. Passons néanmoins sur la réflexion. On s’amuse aussi là-bas, des vieilles voitures des manèges, des décors toujours aussi kitch des trains fantômes. Ou aussi d’une salle où l’on a rassemblé d’anciennes glaces déformantes, patinées, mais toujours efficaces. Vous me reconnaissez ?

Et ici ?


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