mercredi 20 octobre 2010

Sous la tente (Oktoberfest suite et fin)


De l’Oktoberfest, dont les lumières se sont éteintes il y a deux semaines maintenant, on retient surtout à l’extérieur le nom de « fête de la bière ». J’ai essayé de montrer que c’est une image un peu réductrice (ici et ). Ne sombrons cependant pas dans l’angélisme : la plupart des gens qui viennent ici, notamment les touristes, y viennent pour boire abondamment, avant tout de la bière. D’où les démarches peu assurées de nombre de passants, voire la léthargie de certains, dès l’heure du déjeuner, comme ici. Beaucoup de jeunes, ou moins jeunes boivent dès le matin, parfois avant même de venir sur le site, ou dans le métro. Sur place, on aurait but 7 millions de Maß de bière (oui, 7 millions de litres), ingurgité 6,4 millions de visiteurs, soit à peine plus d’un par personne. (bilan ici) Sans doute fait-il décompter les enfants...

Certes, l’on voit parfois de navrants spectacles de gens qui se vomissent dessus avant de tomber par terre. Mais on est étonné d’apprendre que les fort efficaces services n’ont eu à traiter que moins de mille cas et qu’il n’y a eu que 62 bagarres à coup de bock (délit spécial, que l’on nomme Maßkrugschlägerei). L’esprit général est très bon enfant, on vient aussi pour s’amuser, pour l’ambiance, pour le décor. Et souvent de très loin.

Question décor, ayant déjà parlé de l’extérieur, je n’évoquerai que l’intérieur. Les tentes (Zelten) sont de vastes hangars (pour les six grandes) ou de grosses baraques (pour les nombreuses petites) en bois massif, décorées de tentures, de guirlandes et parfois de trophées de chasse, comme on en trouve dans toutes les brasseries bavaroises. Ce n’est pas le plus agréable à l’œil.

Peu importe, l’essentiel est que le décor soit assez surchargé. Chaque tente a sa particularité, son public aussi – dans la tente « historique » (musée donc), les costumes traditionnels abondent encore plus qu’ailleurs, car des groupes viennent y jouer. Ici (Hacker-Pschorr), on trouvera du vert, ailleurs, du bleu ou du jaune. L’Augustiner se distingue avec les volutes de sa façade, la Hofbräu, brasserie de la cour, à l’extérieur par limitation de la façade du bâtiment du centre de Munich, à l’intérieur par une surcharge ornementale et surtout « l’ange » Aloysus qui flotte au-dessus des eaux bouillonnantes des buveurs. La Hofbräu est le cœur du chaudron, où le masse s’agitent comme des vagues et braillent plus que chantent à l’unisson. Un exemple, ici

Et là, la suite, où l'on reconnaît un des standards de la fête, "Viva Colonia", parfois transformé en "Viva Bavaria".

Mais c’est aussi une usine qui n’est pas forcément la plus agréable. Il ne faut pas trop s’illusionner : pour nourrir et faire boire de 6000 à 1000 personnes, il faut un service efficace, nombreux, mais guère raffiné et d’immenses cuisines. L’endroit n’est guère intime.

La plus belle tente est l’Hippodrom, la cuisine est par ailleurs réputée – je n’ai pu le vérifier, tant il est difficile d’y trouver une place. Le rouge y domine, la musique est très supportable et les excès éthyliques bannis. L’endroit fait envie. L’envers du décor est sans doute la gestion du personnel. Certes, l’emploi de serveur est très lucratif (jusqu'à 400 euros pas jour). Beaucoup d’entre eux ne sont pas de serveurs professionnels, mais de gens qui, bien qu’exerçant un métier qui les fait vivre normalement, viennent chaque année juste à ce moment là. On peut ainsi y croiser un prêtre ou un ingénieur. Il faut faire vite, et le patron crie. Celui de l’Hippodrom est en ce moment visé par des plaintes, qui l’accusent d’injures, de mauvais traitement, voire d’attouchements et de brutalités. L’affaire est remontée jusqu’au maire, qui s’en émeut. Une enquête est naturellement en cours. Théoriquement, elle peut aboutir jusqu’au bannissement du patron de l’Oktoberfest.

Pour ma part, j’ai pu à deux reprises finir la soirée dans un endroit plus modeste et bien plus kitch, le Café Kaiserschmarrn de Richart, une chaine de traiteur munichoise de fort bonne qualité. Comme son nom l’indique, on y prépare dans de grandes poêles ce dessert typique de la Bavière et de l’Autriche, une sorte d’omelette sucrée dont je raffole. Les portions sont très copieuses : on le mange donc en groupe, en goûtant le décor un peu Disneyland, très sucré, très bonbon. Un groupe un peu plus jeune que dans les autres tentes, le Blind-date-band, sert une musique variée, avec entrain et un certain talent – pour le genre. Ils ont même un guitar-héros.

Comme ailleurs, on chante


et danse vite sur les bancs.

Dans cette dernière video, vous reconnaîtrez peut-être, du moins les plus de 35 ans, Amadeus, un succès de 1986 de l'Autrichien Falco (ici en V.O. si ça vous chante).

Lorsque la tente ferme, à 11 heures, on sort réjouit. Voilà comment les prétendus français raffinés prennent un plaisir fou dans le comble du kitch.

Vivement la prochaine fois !


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