samedi 6 février 2010

Gross Mahler à l’uni

Mardi dernier, je suis allé écouter avec quelques amis un concert donné par l’Abaco-Orchester, l’orchestre des étudiants de l’université. J’ignorais l’existence de cet orchestre jusqu’en décembre dernier. Nous dînions alors dans une brasserie du quartier. Une longue table était occupée par un joyeux groupe qui descendait des bières. Il s’en allaient les uns après les autres, gais et parfois titubant, en exhumant de dessous la table des étuis à instrument de musique. Une controverse amicale m’opposa à l’un de mes voisins au sujet d’un étui : j’y voyais un étui à violon, alors que c’était selon lui un étui à tuba (ou à flûte, ma mémoire me fait défaut). Nous avons interpelé le propriétaire pour trancher notre désaccord – en ma faveur –, lequel propriétaire nous a donné des prospectus annonçant le concert de mardi.


Il suffisait de traverser la rue pour aller dans les bâtiments trapus de l’université. À l’étage se trouve la « Große Aula », en quelque sorte l’auditorium, la salle de prestige dont chaque université allemande est dotée (vous avez vu en novembre celle de Heidelberg, ici). Une vaste salle rectangulaire, avec un balcon, pourvue, derrière la scène d’une abside. Comme souvent, on remarque un épais plafond à caissons en bois sombre. Mais le reste de la décoration évite les boiseries : sur un fond blanc tranchent des mosaïques de style austère, une horloge fantaisiste et une série de décors, dorés. Parmi eux, des masques de théâtre antique, derrière la scène et surtout, ô surprise, sur le balcon, une série de reproductions assez fidèles de monnaies antiques, essentiellement grecques : ainsi Cnossos avec le Minotaure (il manque le Labyrinthe), Athènes et sa chouette, Syracuse et la nymphe Aréthuse, Corinthe et Pégase, mais aussi, plus exotique, Tyr ou Rome, cela va de soi. Sans doute est-ce héritage d’une époque, le XIXe siècle, où les universités européennes prétendaient puiser leurs racines et leur enseignement dans l’humanisme et dans l’Antiquité. Cela a valu à la Sorbonne des fresques assez pompières mais fort distrayantes.


L’ambiance était fort bon enfant, le public jeune, comme l’orchestre. Celui-ci rentre sur scène en traversant la salle, salué par un public de fans, enthousiaste mais fort discipliné et manifestement connaisseur. On dit le public munichois composé de fins et exigeants mélomanes, cela doit valoir aussi pour les étudiants, du moins pour ceux qui étaient là mardi. Le programme, outre des babioles dispensables, avait pour morceau de choix la première symphonie de Mahler. L’orchestre était donc nombreux, qui emplissait la scène pour cette musique opulente. Si ce n’est pas l’œuvre la plus difficile du répertoire, elle exige beaucoup par sa durée, les difficultés de faire jouer ensemble pendant une heure un orchestre aussi vaste. Les pupitres des vents et des bois sont particulièrement sollicités, comme on ne sait : cette mauvaise langue de Debussy traitait les symphonies de Mahler de « Bibendums ». Il est de bibendums qui vous mettent en joie, comme cette symphonie-ci. Le chef, lui aussi juvénile, voire gracile, était passionné et a insufflé une belle énergie à un groupe d’amateurs au fond fort impressionnants. Il y a bien eu des approximations, des difficultés de mise en place çà et là, mais on ne peut comparer cette exécution avec celle des orchestres professionnels. Il fallait être bien grincheux pour être critique et bouder le plaisir reçu. Si l’on ajoute que les examens ont lieu en ce moment, on ne peut que faire casquette basse devant ces étudiants qui nous ont procuré un Gross plaisir.

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