dimanche 23 mai 2010

Compositeurs à lunettes

La vie musicale munichoise est des plus riches et le choix est parfois difficile. Jeudi, ce fut une retour au classique, avec un couple de germaniques compositeurs à lunettes à l’affiche d’un concert donné par l’orchestre de la radio bavaroise. Avec un tel nom, le Symphonieorchestrer des Bayrerischen Rundfunks n’est pas très attirant. C’est pourtant un excellent orchestre, un des trois grands orchestres de Munich, un des meilleurs d’Allemagne. Il était dirigé ce soir là par un chef octogénaire (après celui de Bach, je dois être gérontophile) mais sémillant, Herbert Blomstedt.

Au programme, en premier lieu Gross Mahler, épisode 2 (épisode 1 ici). Le bigleux est censé être représenté en héros sur la « Frise Beethoven » de Vienne, due au Gustav de la peinture, Klimt, qui ne pouvait néanmoins y peindre des lunettes. Un cycle de lieder, les Kindertotenlieder, « Chants sur la mort des enfants ». L’auteur des poèmes mis en musique, Friedrich Rückert, les avait composés après la mort de deux de ses enfants. Gustav M., qui était lui-même jeune père, ne trouva rien de mieux que de s’en emparer pour donner un cycle de lieder avec orchestre, au grand effroi de sa femme (ici, Gustav avec sa fille cadette) Alma. Ironie cruelle, la fille ainée de Mahler mourut trois ans plus tard.



Mais fait-on de la bonne musique avec des bons sentiments ? Pour les romantiques, même post-, pas vraiment. En tout, je me délecte de cette musique raffinée, douloureuse et sensuelle (oui oui, le tout à la fois). Le concert était magnifique, grâce au baryton, Mathias Goerne, actuellement une des plus grandes voix du genre.



La photo rapportée étant des plus floues, je propose aux amateurs une petite sélection de vidéos. D’abord deux du maître de Goerne, Dietrich Fischer-Dieskau. Le son est pourri, l’image aussi, mais il n’en existe pas d’autre. Si ça vous rebute, passez à la 3e vidéo…

Extrait du 1er chant, « Nun will die Sonn’ so hell aufgeh’n / als sei kein Unglück die Nacht geschehn ! Maintenant le soleil va se lever dans sa clarté comme si dans la nuit nul malheur n’était arrivé ! »).




Puis le 4e chant, « Oft denk’ ich, sie sind nur ausgegangen », « Souvent je pense qu’ils ne sont que sortis ».



Allez, un peu de beau son avec Goerne lui-même, enregistré à Londres l’an dernier (mais ce que j’ai entendu me semblait meilleur, grâce au chef ? voir ici dans la 9e symphonie du même Mahler) :





Le second binoclard était mon petit Schouchou, alias Franz Schubert, dans son imposante 9e Symphonie. « Le petit champignon », comme l’appelaient certaines de ses amies (marquant par là qu’il n’avait guère de touche avec elles), ne répugnait pas non plus au désespoir et au côté obscur de la force. Mais là, non, cette longue symphonie est pur lyrisme et puissance. Le chef a fait merveille, dans une interprétation somme toute classique mais dans un tempo rapide, l’orchestre est soyeux, bref parfait.

Pour finir, encore un peu de musique. On trouve toute la symphonie sur le net, voici juste le début du 1er mouvement, enregistré par Vienne, avec le Philharmonique de la ville, en 1973, par Karl Böhm : très beau, mais un rien guindé et lent : germanique tel qu’on l’imagine.



Pour changer, le 4e mouvement par Frans Brüggen, que j’ai vu diriger Bach au même endroit, L’Herkulesaal de la Residenz (ici), dans un tempo vif et moderne, bien plus plaisant.



Une belle soirée, avec un magnifique orchestre, pour un prix raisonnable. Ils annoncent pour l’an prochain un cycle Gross Mahler. Je sens que je vais casser ma tirelire.

*

PS : la vidéo de la Passion selon Sain-Jean dirigée par Gardiner que j’avais insérée sur ce blog a été depuis lors retirée par Youtube : elle devait être illégalement mise en ligne… je n’ai rien trouvé de mieux pour la remplacer. Il ne reste qu’à acheter des CD !

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