samedi 27 février 2010

Fasching, c’est fini


Le carnaval de Munich, s’il n’a pas la réputation de celui de Cologne, est un événement qu’il est difficile à ignorer. Si le travail et l’absence d’un quelconque déguisement m’ont retenu d’y vraiment participer, je le voyais un peu partout (voir les précédentes notes, ici et ). Les deux derniers jours, le Rosenmontag et le jour de Fasching lui-même, notre mardi gras, en ont été le bouquet final. La semaine est prise par les vacances scolaires (Faschingsferien). Partout, si le mardi n’est pas officiellement férié, on ne travaille plus à partir de l’heure du déjeuner. En réalité, beaucoup de personnes prennent un week-end prolongé de quatre jours. Mon centre de recherche était désert jusqu’au mercredi.
Le matin de Fasching, tout le monde se retrouve sur le Viktualienmarkt, le grand marché ouvert du centre-ville. On peut à peine y accéder tant il est noir de monde, comme la Marienplatz, la place de la mairie qui lui est attenante. Ce matin-là, le soleil ajoutait à l’ambiance festive. Partout, des stands de boissons et de nourriture rapide. On n’est pas effrayé pour boire bière et vin au goulot, quel que soit le sexe et le déguisement.


A 11 heures débute la « danse des femmes du marché », die Tanz der Marktfrauen. Une grande estrade occupe le centre du marché. Lorsque l’on n’est pas matinal, on ne peut guère que l’observer de loin. Cela dit, il n’y a rien d’immortel. Ces dames, vêtues de tenues bariolées et kitchissimes, dansent sur des airs plus ou moins traditionnels, en tout cas bien connus de la foule qui ondule en rythme et chantonne (voir les médiocres vidéos ci-dessous, écourtée pour cause de bousculade).


Une fois que ces dames se sont secoué ensemble, la voix est aux sonos qui sont installés au quatre (ou cinq ? six ? allez savoir) coins du marchés, et pourvues de débits de boissons. Tout le monde est déguisé, la palme des plus ridicules, ou des plus amusants, selon les goûts, revenant souvent aux plus âgés. L’ambiance, malgré l’alcool qui coule à flots, est bon enfant, comme dans toutes les fêtes populaires allemandes. Les déguisements sont au mieux kitch, mais rarement transgressifs. Nous sommes dans la catholique Bavière. Il y a bien quelques exceptions comme celle-ci, mais ce sont des raretés. Pour mieux en juger, vous pouvez regarder la collection de photos mise en ligne ici.

L’après-midi, le centre ville était transformé en une énorme boîte en plein air. L’ambiance était assurée par Lou Bega. Une célébrité, grâce à son tube, Manbo n. 5. Ravivez vos souvenirs ou allez voir ici, ou pour une version sage. Je ne saurais rien en dire de plus, je me suis attaché tout l’après-midi à ma table de travail.

La fête continuait évidemment le soir, avec des « partys » dans tous les bars, les boîtes comme les restaurants. Je me suis contenté d’aller manger une Flammenküche à la Pfälzer Weinstube, le restaurant qui se trouve dans le palais de Munich, dont j’ai déjà parlé ici. Avec profit, car j’ai enfin pu goûter un bon vin, un Riesling du Palatinat qui se hissait presque au niveau de ses cousins d’Alsace. Tout était naturellement décoré et l’on dansait dans une salle. Suite à un appel moins traditionnel que le matin, pompom Pom… lalalala pompom Pom… puis vint la voix de M. X (utilisation culte de cette musique; voir ici pour une plus classique, version en public) . Mais nous sommes déjà au sud et ce fut la valse qui mit tout le monde d’accord pour danser, entre inconnus, entre les tables et repartir avec le sourire.

vendredi 19 février 2010

Un goût de BN, la Bayerische Staasbibliothek






Je travaille dans un centre de recherches qui a sa propre bibliothèque, où je trouve de quoi faire mon bonheur scientifique. Il arrive néanmoins que je doive sortir de mon cocon pour aller chercher des livres ailleurs. Cet ailleurs est pour l’instant la bibliothèque nationale de Bavière, la Bayerische Staatsbibliothek (BSB).

Elle fait partie de ces puissants bâtiments qui bordent une des artères principales de Munich, la Ludwigstrasse. Ici se trouvent les nouveaux quartiers de la ville royale, édifiés lorsque la Bavière est devenue un royaume, en 1806, pour avoir alors fait le bon choix (prononcer en chuintant), celui de Napoléon Ier. La perspective s’y ouvre sur une vaste loggia à la florentine, qui fait office de monument à la gloire des héros de la Bavière. Lui font écho, après le palais royal, ces édifices en massif style néorenaissance florentine : les temples du savoir, archives, bibliothèque nationale et université encadrent la voie qui traverse un arc de triomphe, la Siegestor. La Bavière royale se voulait comme une capitale d’une nouvelle Renaissance.

La BN à la bavaroise est plus avenante à l’intérieur, mais reste imposante. Passé un hall qui ressemble à une énorme cave voûtée tant les colonnes y sont épaisses, on rentre dans une vaste et claire cage d’escalier qui lance ses marches à l’assaut de l’étage. L’escalier, lisse, brillant, est encadré par des colonnes qui s’inspirent plus du Moyen Âge carolingien ou ottonien que de la Renaissance. Le XIXe siècle aimait bien mélanger les styles historiques pour en général accoucher de bâtiments plutôt pompiers. Fort heureusement, les architectes allemands avaient à l’époque une appréciable sobriété.

Les salles de lecture et le mode de fonctionnement de la BSB sont des plus modernes. On commande ses livres par Internet, on ne vous demande presque aucun papier pour vous inscrire et l’on peut d’emblée emprunter les livres qui peuvent l’être. Or, la BSB a tous les livres – la chair n’y est ni triste ni gaie, elle n’y a pas part. Les livres réservés sont déposés sur une étagère repérée par un chiffre qui figure sur votre carte, et sont munis d’une fantôme à votre nom.

Que reprocher à cette caverne d’Ali Baba ? Un fonctionnement bureaucratique, car si l’inscription est aisée, le parcours dans la bibliothèque est complexe et l’on doit souvent se faire tamponner le papier. Il est bien sûr interdit d’entrer avec une quelconque veste, un sac quel qu’il soit, et même une pochette en plastique. Seul le papier est autorisé. Il est interdit d’y faire des photographies – Vraiment ? Si j’avais su… Trop tard ! Il convient cependant d’être prudent et discipliné, car la bureaucratie allemande, on ne le sait que trop, est efficace.

La BSB est surtout bondée. Il m’a été impossible de trouver une place assise ; on trouvait des étudiants assis y compris sur les marches d’escaliers qui réunissent les salles de lecture. De grouillantes grappes s’agglutinent autour des photocopieurs. Pour travailler (plus) comme pour copier (plus) rapidement, mieux vaut user de subterfuges pour très vite retourner dans son havre de paix, ma bibliothèque-bureau. La BSB ne me verra pas très souvent.

mercredi 17 février 2010

Fête blanche


La Weisse Feste, dont j’ai parlé il y a peu, a en effet battu son plein. La Max-Emmanuel Brauerei est proche de mon lieu de travail et j’ai parfois eu le soir l’occasion de passer devant. Les photos en ligne sont conformes à la réalité. Devant la brasserie, dès 20 heures, sont massés des fêtards de blanc vêtus, parfois en shorts et en bras de chemises, déguisés en infirmiers(-ères), en élégantes un rien dénudées des années folles, en laborantin(e)s, etc. On croise des anges, des femmes ,en tenue indéfinissable, pourvues de perruques vert ou rose vif et munies d’énormes lunettes. On danse un peu, on boit beaucoup. Un groupe de petits marins, vrais minets, est agglutiné au bar. Dans toutes les rues adjacentes, à la sortie du métro, on ne cesse de croiser des Munichois dont la tenue blanche trahit la destination.
On pensera peut-être que j’y suis finalement allé. Pas du tout, j’ai juste observé ce que je voyais en revenant du cinéma. Pour moi, la Weisse Feste est dehors. Elle est dans cette couche blanche qui recouvre la ville, ses toits, ses trottoirs, ses rues, ses auvents ; qui transforme les voitures en gros chamallows, qui s’infiltre dans les plis des vêtements, sur les rebords des fenêtres, les encoignures des portes, les branches des arbres, des buissons épineux. Quand elle fond un peu, avant que le gel ne revienne pour la figer, d’innombrables stalactites scintillants poussent comme attirés par le magnétisme. Les grosses voitures en ont des dents qui ne les rendent que plus agressives. Mais, en amollissant les reliefs et en amortissant les sons, la neige adoucit la ville, dépose partout un grand calme feutré, tantôt reposant, tantôt fascinant, tantôt inquiétant. Voilà Noël qui dure depuis deux mois ! Seraient-ce des vacances permanentes ?
Mais la neige est là avec son corollaire, la meute des tracteurs chasse-neige qui viennent chaque matin vous rappeler que eux, ils travaillent, et que vous pourriez en faire autant. Pour les vacances, on repassera.







Le soleil s’annonce et l’on devine que la fonte de la neige aura des vertus pour ceux qui ne se lèvent pas à cinq heures du matin.

vendredi 12 février 2010

Motörhead


Munich est une ville verte, Munich est une ville à bicyclettes, Munich est aérée. Munich est calme, les voisins veillent au grain. Munich est une ville sportive où l’on fait tout son possible pour rester gesund. Et pourtant, Munich est aussi une ville vrombissante. Munich est en premier lieu la ville-mère de BMW. Les motifs bleu et blanc du logo de la marque sont en effet les couleurs de la Bavière. Voitures et motos BMW sont conçus ici. Aucune ville, sans doute, a autant de BMW dans ses rues. La marque a même fait construire en plein centre un luxueux hall d’exposition, le BMW am Lenbachplatz (à gauche), où sont organisés de temps à autre des événements culturels, comme la projection de Métropolitz de Friz Lang lors de la « Longue nuit des musées » d’octobre. Mais la marque s’est aussi fait construire un centre-musée futuriste, le BMW Welt (à droite et ci-dessous), qui est devenu une des attractions de Munich. On peut y voir tous les modèles de la marque, essayer, toucher les engins, dîner, boire et sans doute en acheter. Les Munichois aiment, comme, je crois, tous les Allemands, ces voitures épaisses, robustes, qui respirent le confort et le luxe non tapageur. Un peu vulgaires aussi, surtout les 4 x 4.

Munich étant une ville riche, on en voit beaucoup ; des BMW, mais aussi des Mercedes ou des Porsche. Je n’ai jamais autant vu de Porsche de ma vie qu’à Munich ! On y trouve bien sûr un Porsche-Zentrum. J’ai entendu à la radio des publicités qui incitant à se rendre dans « votre concessionnaire Porsche », comme si leur banalité était évidente. On trouve aussi en plein centre un magnifique concessionnaire Aston Martin. My name is


On comprend que les tentations d’appuyer sur le champignon soient fortes et les radars ont fleuri. Mais l’amour des Allemands n’est pas automobile en particulier, il est motorique. Ils vendent des machines-outils et des moteurs au monde entier mais ils s’en servent aussi. Nous sommes au paradis des amateurs de bricolage bruyant et des fanatiques de la mécanique, de l’objet qui tourne, visse, fraise, ponce, troue, soulève, casse, répare, pompe, rempli ; des petits, des grands, des moyens, des longs, des gros, des énormes. Mais il faut que ça fasse vroum ! Se conjuguent ici l’amour de la mécanique et le goût pour l’objet pratique qui facilite la vie quotidienne. Tout le monde est équipé d’objets animés, de véhicules multiples et cela a un sérieux revers, même dans un quartier paisible comme le mien, dans un immeuble où il ne fait pas bon écouter du métal. Les travaux sont incessants. C’est le propre des villes riches de tout refaire constamment à neuf et il en va de même pour les appartements. Chaque immeuble est entouré de jardins assez vastes et boisés. Les couleurs de l’automne sont même dans ces immeubles gris et ternes un enchantement. (ici, depuis ma fenêtre). Mais les feuilles mortes ne se ramassent pas à la pelle. Non, une armée de braves gens employés par le Hausmeister (un hybride du concierge et du syndic) fait souffler des machines hurlantes dans tous les coins pour pousser les feuilles et en faire des tas. Et l’on peut recommencer tous les jours. Tant qu’il y aura des feuilles. Où sont les écolos ?


Vient l’hiver et l’on se croit enfin tranquille. On regarde, le sourire aux lèvres, la neige adoucir les angles, caresser les arbres et se propulser en boule sur vos amis. Interdiction de saler : c’est mauvais pour la nappe phréatique. On se contente d’un fin gravier, répandu sur les rues, les trottoirs et les allées des jardins de nos immeubles. Mais il faut bien dégager les rues. Et là, vroum, revoilà les moteurs. Une armada de petits camions chasse-neige ou de gros engins de chantiers opère tous les matins. Il doit falloir d’immenses parkings pour garer cette horde vrombissante et raclante. Il y a mieux : chaque Hausmeiter a son petit chasse-neige personnel, assez étroit pour aller dégager les allées des immeubles, tous leurs accès (ici, derrière mon immeuble). Quant il est passé, on peut aussi achever les détails en raclant bien fort à la pelle, mais l’engin a rendu normalement ce travail inutile. Il faut naturellement que tout soit praticable pour que les gens puissent se rendre en toute quiétude à leur travail le matin. Aussi commence-t-on dès 5h30, du lundi au samedi. Le réveil est radical, mais je n’ai pas à me plaindre : il paraît que, dans certains quartiers, l’on commence à racler les rues dès 4 heures.


Faut-il donc souhaiter le printemps ? N’y verra-t-on pas les Hausmeister, comme dans un film d’horreur, armés de tronçonneuses pour tailler les arbres qui ne demandent qu’à pousser ? Il paraît que l’hiver est long… J’ai de bons bouchons d’oreille.

mercredi 10 février 2010

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Merkel


Un article du Spiegel permet de faire contrepoint à ce que j’ai écrit dans les derniers billets. En Allemagne, le financement des partis par des entreprises est autorisé et n’est pas plafonné. Mais les montants en sont publiés. Or, cet investissement ne cesse de croître, alors que les contributions des simples citoyens diminuent. Une analyse des chiffres, assorti d’un instructif tableau, a été publié par le Spiegel. En France, on ne voit guère le Point, l’Express, voire le Nouvel Obs en faire autant. Il est sans doute plus vendeur de s’empailler sur des affaires comme le vrai-faux SMS du Président à qui vous savez.

Sans surprise, les grandes entreprises financent avant tout les partis de droite, CDU, CSU et FDP. Mais certaines ne mettent pas tous leurs œufs dans le même panier : Allianz, le puissant assureur de Munich, semble arroser à part égales CDU, CSU, FDP, verts et SPD. BMW donne autant à la CSU et au SPD (sans oublier FDP et CDU, on ne sait jamais et la droite reçoit donc près des deux tiers de ses subsides). Mais les plus gros subsides vont au FDP : en 2009, le groupe « Substancia AG » a ainsi versé 850 000 euros au seul FDP, un record absolu. Ce groupe, qui appartient au milliardaire August von Finck (que voici), possède notamment la chaîne d’hôtels Mövenpick. Il est assez étrange de voir le FDP promouvoir, comme première mesure de la baisse d’impôts, celle sur les taxes des nuits d’hôtel (par ailleurs vantée par notre Sarkozy).


Mieux, ou aussi bien : juste après les dernières élections, la CDU a reçu trois dons de 150 000 euros chacun, venant de trois membres de la famille Quandt, gros actionnaire de BMW - une institution à Munich (ci après, mère, fils et un dirigeant de BMW). Le don a été publié le 17 novembre. Entretemps, on avait voté des mesures très favorables aux constructeurs automobiles. Il y a d’autres exemples troublants des relations malsaines entre grandes les entreprises, leurs dirigeants ou actionnaires et les partis politiques, surtout au pouvoir. On flirte allègrement avec la corruption, mais sans bling-bling.

Finalement, je ne me déguiserai pas en Merkel.

mardi 9 février 2010

Un détour par la politique (suite) : la course au CD

Sur ce sujet, l’affaire qui agite en ce moment les Allemands est celle des CD de listes d’évadés fiscaux ayant placé leur argent en Suisse : on sait qu’il a agité la France, le voici en Allemagne : la CDU se déchire pour savoir s’il faut l’utiliser, donc l’acheter, ou l’ignorer, car sa source est frauduleuse. On voit que l’exilé fiscal n’est pas une spécificité française et que les banques suisses posent finalement autant de problème aux Allemands qu’à nous… (J’ouvre une parenthèse pour éviter à tous mes compatriotes de se précipiter en Suisse : contrairement à l’image qu’on donnent Johnny ou Polansky, les impôts existent en Suisse et ils peuvent même y être élevés ! Fin de la parenthèse, car ce blog ne s’appelle pas « In Röstiland »)

Les Libéraux du FDP, ennemis déclarés de tout impôt, ne veulent naturellement pas entendre parler d’un achat : pourquoi embêter des braves gens qui justement ne veulent pas de ces impôts honnis ? N’est-ce pas un symptôme de ce qu’ils sont trop lourds ? Et n’est-ce pas immoral d’utiliser un CD volé ? En face, on rétorque que l’immoralité et l’égalité sont du côté des évadés et que en rien faire encouragerait encore plus la fraude. Et voilà que le Land de Rhénanie-Wesphalie (CDU) et même la Bavière (CSU) envisagent très sérieusement l’achat du CD (ici la Südeutsche Zeitung). Le ministre des finances, Wolfgang Scheuble (CSU), vient de s’y montrer favorable (ici, la FAZ). Sans doute les conservateurs, qui ont perdu beaucoup de voix à l’automne, craignent l’image désastreuse que donne cette fraude fiscale, associée aux somptueux profits bancaires, aux énormes aides dont celles-ci ont bénéficié l’an passé et mise en regard des sacrifices que l’on demande aux citoyens

Bref, tout ressemble à une lutte sourde Unions (CDU-CSU) vs FDP. Ça se complique encore quand on sait que la chancelière Angela Merkel lutte contre sa droite et une partie de la CDU pour adopter une politique familiale moderne, notamment pour enfin permettre aux femmes de travailler et d’avoir des enfants. La vieille CDU, qui pense que la place des mères de famille est au foyer, n’en a jamais voulu. La gauche serait timide là-dessus parce que la dernière politique nataliste remonterait à Hitler Mais Merkel s’obstine à moderniser ainsi son parti.

Si j'avais pensé qu'un jour j'en viendrais à trouver des mérites à une chancelière de la CDU!

Pour Fashing, je me déguise en Merkel.


En noir et vert. Un détour par la politique


Trêve de fantaisie, soyons sérieux, voici venu le moment de notre flash d’actualités. Il se passe bien des choses intéressantes dans le champ politique allemande. Le parti de gauche Die Linke, un des vainqueurs du scrutin de novembre, mais un vainqueur minoritaire et isolé, vit un grand changement. Son chef et cofondateur, Oskar Lafontaine, se retire de la vie politique, plus par nécessité que par choix, car il lutte contre un cancer. Cet ancien du SPD était l’obstacle majeure à une coalition entre Die Linke et les socialistes du SPD où nombreux sont ceux qui le haïssent comme le traître absolu – on voit qu’ils ne connaissent pas Besson. Des voies se sont immédiatement levées au SPD, qui proclamaient que l’obstacle aux discussions était levé. Pourra-t-on bientôt voir, comme dans le Land du Brandebourg, une coalition «rouge-rouge-vert» ?
Rien n’est moins sûr : voilà que la présidente du groupe (« Fraktionschefin ») des verts au Parlement, Renate Künast, veut préparer les verts à une alliance avec… le principal parti de droite, la CDU. Mathématiquement, une telle coalition pourraît être plus solide que l’actuelle CDU-FDP (les libéraux). Les élections du Landtag de Rhénanie-Westphalie auront lieu en mai. Un sondage donnerait 11 % d’intentions de vote pour les Verts, contre 6 au FDP. Une coalition CDU-Verts (noir-vert) obtiendrait 53 %, une CDU-FDP seulement 48 et une PD-Linke-Verts 47… CQFD : les verts veulent gouverner et espèrent gagner des voix au centre. Mais toutes les analyses montrent que l’électorat des Verts est fortement ancré à gauche : le risque est donc grand de perdre sur la gauche plus que ce qui sera gagné au centre (pour les germanophones, voir ici et des articles du Spiegel). Le débat risque d’être vif !

Mais ce n’est pas ce qui agite le plus la scène politique allemande. Je vous en épargne les détails, car tout, ou presque, va mal. La présence allemande en Afghanistan est toujours fort controversée. Il y avait hier une manifestation de pacifistes à Munich, qui protestaient contre celle-ci, alors qu’une conférence sur la sécurité avait lieu dans la ville. On remarquera au passage qu’ici, le débat est public et commence au Parlement. La crise se reporte sur les communes, dont certaines sont au bord de la banqueroute et coupent massivement dans les services publics, en prévoyant jusqu’à la diminution de l’éclairage nocturne… Le trou de la sécurité sociale, colossal (12 milliards d’euros) pousse le gouvernement à dérembourser les médicaments. Les régions protestent toujours contre les projets de réduction des impôts et la coalition se déchire. Notamment à propos d’un certain CD (à suivre...).

lundi 8 février 2010

En avant pour le carnaval



Depuis ce week-end et jusqu’au mardi 16 février, Munich vit à l’heure du carnaval, Fasching. Certes, ce n’est pas Venise. Certes, la tradition, dit-on, s’étiole. Mais la ville se met malgré tout au diapason de la fête. Les magasins arborent tous des masques de carnaval - vénitiens - comme décoration. Les grands magasins, comme ici la chaîne Galleria ont créé un rayon de déguisements, pour enfants et pour adultes. La musique du rayon est aussi kitch que le décor, chargé. Mais j’y ai surtout vu des adultes, qui essayaient des chapeaux et regardaient avec envie les couleurs criardes et les déguisements de Vikings.

On mesure par là l’importance de ce rite : on va porter ces déguisements à plusieurs reprises. La revue qui recense toutes les sorties de Munich, In München, a ouvert depuis le 5 février une rubrique Fasching. J’y note, pour les premiers jour, un bal «Gaudeamus» puis un «Ballnach » au Deutsches Theater – on ne fait donc pas plus officiel – un autre au Musée national de Bavière, un «Kaiserball» (autrichien), un ball en Trachten (dans la brasserie Löwenbraü), un à la mode indienne, un «Hippiefasching» dans un «Rockmuseum» (dont j’ignorais l’existence). S’y ajoutent quantité de « Studentenfeste » et autres soirées à DJ. Ce n’est qu’un début, car le plus gros de la fête aura lieu du 11 au 16 février, principalement lundi et mardi.

Une brasserie située non loin de mon lieu de travail, Max-Emmanuel-Brauerei, organise un moins durant la Weisse Feste. La brasserie est intégralement repeinte en blanc et, chaque fin de semaine, des DJ viennent animer cette « fête blanche » où, naturellement, nul n’entre s’il n’est de blanc vêtu. Sur le papier, l’idée paraît amusant et l’on en presque envie d’aller y pointer le bout de son nez, si ce n’était la difficulté de porter des vêtements d’été en plein hiver. Le site Internet de la brasserie assure la publicité de la fête en y montrant une vidéo et des photos. Si vous avez un peu de temps à perdre, allez voir les photos. Il y en a trois séries, de haut en bas 2009, 2008 et 2007. Il vaut mieux commencer par le diaporama de 2007, assez sage au fond. Avec 2008, on comprend que nous sommes bien en Allemagne ; je n’en dirai pas plus pour vous laisser le plaisir de la surprise. Après avoir visionné 2008 puis 2009, je pense que j’irai au cinéma.

Les boulangeries se mettent à l’heure du carnaval, en visant le public enfantin. Dans les vitrines sont exposées des montagnes de Krapfen. Il s’agit de gros beignets, souvent fourrés de crème à la vanille, recouverts de sucre glace coloré. Comme la Saint-Valentin approche, tous les boulangers ont confectionné d’opulents Krafen rouges en forme de cœur. De vrais tue-l’amour ! J’ai testé la modèle de Krapfen le plus simple qui a plombé mon estomac et me suis dit que, décidément, j’irai au cinéma.

samedi 6 février 2010

Gross Mahler à l’uni

Mardi dernier, je suis allé écouter avec quelques amis un concert donné par l’Abaco-Orchester, l’orchestre des étudiants de l’université. J’ignorais l’existence de cet orchestre jusqu’en décembre dernier. Nous dînions alors dans une brasserie du quartier. Une longue table était occupée par un joyeux groupe qui descendait des bières. Il s’en allaient les uns après les autres, gais et parfois titubant, en exhumant de dessous la table des étuis à instrument de musique. Une controverse amicale m’opposa à l’un de mes voisins au sujet d’un étui : j’y voyais un étui à violon, alors que c’était selon lui un étui à tuba (ou à flûte, ma mémoire me fait défaut). Nous avons interpelé le propriétaire pour trancher notre désaccord – en ma faveur –, lequel propriétaire nous a donné des prospectus annonçant le concert de mardi.


Il suffisait de traverser la rue pour aller dans les bâtiments trapus de l’université. À l’étage se trouve la « Große Aula », en quelque sorte l’auditorium, la salle de prestige dont chaque université allemande est dotée (vous avez vu en novembre celle de Heidelberg, ici). Une vaste salle rectangulaire, avec un balcon, pourvue, derrière la scène d’une abside. Comme souvent, on remarque un épais plafond à caissons en bois sombre. Mais le reste de la décoration évite les boiseries : sur un fond blanc tranchent des mosaïques de style austère, une horloge fantaisiste et une série de décors, dorés. Parmi eux, des masques de théâtre antique, derrière la scène et surtout, ô surprise, sur le balcon, une série de reproductions assez fidèles de monnaies antiques, essentiellement grecques : ainsi Cnossos avec le Minotaure (il manque le Labyrinthe), Athènes et sa chouette, Syracuse et la nymphe Aréthuse, Corinthe et Pégase, mais aussi, plus exotique, Tyr ou Rome, cela va de soi. Sans doute est-ce héritage d’une époque, le XIXe siècle, où les universités européennes prétendaient puiser leurs racines et leur enseignement dans l’humanisme et dans l’Antiquité. Cela a valu à la Sorbonne des fresques assez pompières mais fort distrayantes.


L’ambiance était fort bon enfant, le public jeune, comme l’orchestre. Celui-ci rentre sur scène en traversant la salle, salué par un public de fans, enthousiaste mais fort discipliné et manifestement connaisseur. On dit le public munichois composé de fins et exigeants mélomanes, cela doit valoir aussi pour les étudiants, du moins pour ceux qui étaient là mardi. Le programme, outre des babioles dispensables, avait pour morceau de choix la première symphonie de Mahler. L’orchestre était donc nombreux, qui emplissait la scène pour cette musique opulente. Si ce n’est pas l’œuvre la plus difficile du répertoire, elle exige beaucoup par sa durée, les difficultés de faire jouer ensemble pendant une heure un orchestre aussi vaste. Les pupitres des vents et des bois sont particulièrement sollicités, comme on ne sait : cette mauvaise langue de Debussy traitait les symphonies de Mahler de « Bibendums ». Il est de bibendums qui vous mettent en joie, comme cette symphonie-ci. Le chef, lui aussi juvénile, voire gracile, était passionné et a insufflé une belle énergie à un groupe d’amateurs au fond fort impressionnants. Il y a bien eu des approximations, des difficultés de mise en place çà et là, mais on ne peut comparer cette exécution avec celle des orchestres professionnels. Il fallait être bien grincheux pour être critique et bouder le plaisir reçu. Si l’on ajoute que les examens ont lieu en ce moment, on ne peut que faire casquette basse devant ces étudiants qui nous ont procuré un Gross plaisir.