lundi 29 mars 2010

Un printemps à Berlin (suite)

La ville fait pourtant une impression fort éloignée de la tristesse que pourrait provoquer ces traces du passé récent. Si elle n’a guère d’unité, si elle ressemble à une patchwork de quartiers, de styles, de passés, si elle est sale – à l’échelle des villes allemandes –, Berlin vibre, bouge, s’affaire, chante et danse. On y rencontre toutes les nationalités et les classes sociales n’y sont pas encore trop séparées. On y vit tard, les magasins ne sont pas tous, comme à Munich, fermés à 18 heures et la nuit berlinoise est, on le sait, des plus accueillantes qui soit. Comme la tradition a presque disparu dans les bombes et les incendies, on y innove allègrement. Tout est possible, et le kitch s’étale sans complexes. Ce peut être comme ici la décoration du plafond d’un hôtel (très gay, cela va de soi), ce peuvent être la décoration des maisons, des fresques qui abondent sur les murs laissés libres. C’est évidemment une ville où l’on tague, comme dans toutes les grandes villes, mais avec peut-être plus de liberté.

Les destructions comme le no man’s land entre les deux Berlin font de Berlin un terrain de jeu rêvé pour les architectes du monde entier. Petit à petit, on rénove, on créée une ville pimpante et colorée, en contraste avec les grisaille des immeubles de l’ex Berlin-est. Sur la Postamer Platz, où passait le mur, ont poussé des tours d’acier et de verre, discutables le jour, mais très séduisantes la nuit. L’architecture contemporaine a poussé ses tentacules vers le sud de la place, dans une longue série d’immeubles, inégaux, mais où se distinguent les œuvres de Renzo Piano, comme ici cet immeuble de bureau sur la place elle-même (Bürogebäude Potsdamer Platz nr.2), et, derrière, lui, après une galerie commerciale, tout un ensemble financé par Daimler Benz – puissance de l’automobile allemande ! – en brique et en verre, dont on voit juste le sommet sur cette photo, ainsi que l’enfilade dessinée pour la partie sud, qui donne sur un canal, le Landwehrkanal.

Le Reichstag est redevenu un phare de l’Allemagne démocratique. Sa destruction en 1933 avait marqué symboliquement comme dans les faits l’assassinat de la République de Weimar, sa prise d’assaut lors des combats de 1945 avait achevé de le ruiner. Il a retrouvé sa couple après la réunification. Le nouveau Reichstag, conçu par Norman Foster, doit absolument être visité pour goûter ce qui est un chef d’œuvre. La visite en est naturellement gratuite, en conformité avec l’image que veut rendre ce nouveau parlement. La coupole de verre offre une vue unique sur Berlin, depuis la terrasse et aussi depuis la double rampe qui permet d’accéder à son sommet, au-dessus de l’énorme cône qui plonge sa pointe à travers le plafond de verre de la salle de réunion des députés.

Les miroirs y conduisent la lumière et les sièges s’y reflètent. Chacun peut observer la salle de réunion et les débats : cette transparence architecturale s’inscrit dans une idéologie profondément démocratique qui veut que les débats et les décisions des dirigeants soient visible, accessibles, contrôlables. Belle architecture qui allie avec puissance sens esthétique et sens politique.

Berlin, en effet, est sexy ! Cette ville des plus vivantes est en transformation continue et la vie sourd en chacun de ses quartiers. Quel contraste avec la propre Munich, si lisse, si unitaire, parée de ses monuments du passé et de ses traditions. Munich a pourtant été autant détruite que Berlin. Mais, comme dans la plupart des villes de l’ouest, elle a été minutieusement reconstruite à l’identique, dans un gigantesque effort qui a duré près de cinquante ans. On en voit donc moins les cicatrices. Comme elles y sont visibles, Berlin seule permet de comprendre à quel point la folie a conduit l’Allemagne à sa perte en 1945. Les villes du pays ont été comme concassées, broyées. Là, on comprend quel champ de ruines était l’Allemagne en 1945 et le choc qu’a dû représenter pour eux ces années-là, accentuée par la division. Ce parcours berlinois donne bien à penser. Il permet de comprendre la psychologie des Allemands d’aujourd’hui, leur pacifisme viscéral, leur méfiance presque pathologique face au patriotisme, leur attachement presque rigide à la transparence démocratique, aux libertés civiques, au politiquement correct – et peut-être un certain repli sur la Gemütlichkeit ?



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Les photos prise à Berlin il y a 10 jours sont visibles ici.

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