samedi 20 mars 2010

Pas de pitié pour le carême

Le carême n'existe pas. En voici la démonstration.
Ce matin, un lapin...
Comme cette photo l'indique, les Allemand voient large pour les chocolateries de Pâques. Encore a-t-elle été prise près d'un mois avant la fête de Pâques. Une véritable armée de lapins, que j'ai déjà évoquée, se retrouve partout. Y compris dans les boulangeries, où l'on peut déguster de très bonnes brioches en forme de lapin (Osternhase). Pourquoi donc tant de lapins? Subtile allusion, bien germanique, à l'arrivée du printemps et aux activités auxquelles il faudrait alors se livrer, ne serait-ce que pour redresser la démographie du pays? Absolument pas (à ma connaissance). C'est pourtant évident: le lapin apporte ici les œufs de Pâques. On pourrait se perdre en conjectures sur les connaissances biologiques des Allemands, si l'on ne se rappelait que de l'autre côté (ouest) du Rhin, ce sont les cloches qui exercent cet office. Quelle est la tradition la plus absurde?
Du reste, si l'on regarde comme ici un autre rayon du même supermarché, Galeria, temple de la consommation muni d'un rayon "Gourmet" à se damner, on est pleinement rassuré.
Cette énorme poule, qui doit bien toiser son mètre ou son mètre cinquante, couve les légions d'œufs colorés qui feront les délices du dimanche de Pâques. Seulement ce jour-ci? Pourquoi donc les mettre en vente aussi tôt? Certes, il est ici de bon ton que l'abondance règne dans les étals. Mais je croirais plutôt que les Allemands, du moins les plus petits d'entre eux, n'attendront pas début avril pour goûter à ces friandises. C'est aussi pour cela que les boulangeries, outre ces lapins de Pâques proposent dès février les brioches de Pâques, les délicieuses Osterfladern, dont j'ai déjà parlé.
Ici, un autre modèle, l'Osterfladern aux raisins. J'ai repéré quatre ou cinq sortes d'Osternfladern différentes (ainsi la mystérieuses Premium, ou la Vollkorn: à la farine complète). Il est bien évidemment impossible de les tester toutes le jour de Pâques. On est donc contraint de les mettre en vente plus tôt. Chacun peut donc toutes les goûter et faire son choix définitif pour Pâques.

Teuf teuf
Vous voyez que le carême en prend un coup. D'autant plus que l'on ne cesse de bambocher à la même époque. Il y a ainsi tous les mercredis des fêtes autour du poisson - ainsi une soirée "Fish'n blues". Mais l'affaire du mois de mars est la Starkesbiefest. Pendant plusieurs semaines et parfois depuis février, chaque grande brasserie (Löwenbraü, Ausgutiner, Hofbräu, etc.), propose une bière épaisse, forte en alcool. On en fait remonter la tradition au Moyen Âge: cette bière épaisse et nourrissante, car sucrée, aurait permis de sustenter les moines au moment de la soudure, lorsque les greniers sont vides et que rien n'a été récolté. Voire. La tradition est le prétexte à justifier tout et n'importe quoi, surtout n'importe quoi. Aujourd'hui, plus encore que de déguster une nouvelle bière, il s'agit d'à nouveau faire la fête. On n'allait tout de même pas se tourner les pouces entre Fasching et l'Oktoberfest!

Il est assez facile de se rendre compte de la nature de la fête, comme je l'ai fait en allant avec une amie un samedi soir à l'Augustinerkeller.Cette Brasserie est un des temples de la bière à Munich, grâce à son immense Biergarten, fermé en ce moment, et à une série de salles dans la grosse bâtisse qui trône au milieu du jardin. On peut y goûter partout cette fameuse bière forte, mais tout se passe dans les caves de l'endroit.


Mélodie en sous-sol
On y descend par un étroit escalier en colimaçon, qui donne l'impression d'aller dans les catacombes. Une petite porte en fer nous introduit dans une série de caves voûtées, en brique. Il est difficile de trouver une place sans réservation ou sans obstination. Nous avions choisi la seconde option et nous nous sommes finalement retrouvés assis dans un tonneau...
On peut naturellement manger et boire une série de bières Augustiner (une des meilleurs de Munich), mais nous étions là pour la bière forte, la Starkesbier. Elle arrive donc, en Mass, donc en chope d'un litre, rien de moins. Une telle bière, un peu sucrée, süss comme on dit ici, est fort agréable l'hiver. On l'imagine mal l'été, où son épaisseur ne ferait pas merveille. Un litre nous a suffit, mais nos voisins en ingurgitaient beaucoup plus. Son, nom la Maximator... Car toutes ces bières ont un nom en -tor, Triumphator, Salvator (et Dali)... Et lorsque la soirée termine (à tort), on se dit, puisqu'elle n'est pas venue, hein!, Maman a tort.

Les caves étaient bondées d'un public varié, relativement jeune - de mon point de vue. Tous les âges, les sexes, les classes sociales et les inclinations se mélangeaient autour de table où régnait, comme toujours, une ambiance bon enfant. Mais la surprise vint de ce que la plupart d'entre eux, et surtout les plus jeunes, étaient entrachtés. Pour ceux qui ont raté l'épisode 1, les Trachten sont les vêtements traditionnels bavarois, Dirndl pour les femmes, Lederhose pour les hommes, avec, en cette saison, une floraison de chapeaux à plumes qui en me font pas regretter ma casquette. On engage très vite la conversation avec vous. Ainsi avons-nous parlé une bonne partie de la soirée avec un sympathique Hamburger, pas très à cheval sur le maintien de sa ligne, ni de celle de son épouse, une authentique Bavaroise qui officiait là-bas comme serveuse.

Mais boire n'est qu'une partie de l'attrait (supposé) de la soirée. Un orchestre était installé dans l'une des salles, qui jouait un peu de variété internationale euh... YMCA), mais surtout des airs bavaro-autrichiens, comme on en raffole ici.
Le public les reprend en cœur, tous âges confondus. Très vite, on danse sur les tables, on tape de mains, bref, on transpire, ce qui permet de boire un peu plus. Pas d'Anton aus Tyrol, hélas, mais pour l'essentiel les airs entendus sont les tubes de l'Oktoberfest, Wahnsinn, Füstenfeld, Ab in den Süden, Köln (Viva Colonia), comme on peut le constater sur ces petites vidéos. Ici "So a schöner Tag" (texte ici, son ).




Les caves ferment à minuit, mais les bars restent ouverts. Quand on sait qu'il y a bien une dizaine d'endroits fêtant ainsi la Starkesbierfest, du mercredi au samedi, tout le long du mois de mars, on se dit, en effet, que le carême n'existe pas.

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