jeudi 11 mars 2010

Vérités et légendes : la ponctualité allemande

Mon appartement est un meublé que mon propriétaire a voulu équiper et décorer de sorte à que je n’aie rien à acheter. Le généreux homme l’a pourvu de toutes les commodités, verres à vin et serviettes de toilette, machine à café et draps, produit d’entretien et couverts, café et shampoing, etc. Quand je suis arrivé, il y avait aussi pas moins de six calendriers au mur. Dans le salon, deux calendriers d’entreprises comme on en raffole ici, où l’on a sous les yeux les trois mois à venir et où un cache en plastique permet de signaler le jour au fur et à mesure que le temps avance. Un autre modèle, en jaune, égaya la cuisine, qui bénéficie aussi d’un plus classique calendrier muni de photos de fruits, subtile allusion à un précepte de bonne santé. Pour parachever l’équipement de la cuisine on trouvait un éphéméride sans doute destiné à me faire rentrer dans le droit chemin, puisqu’il présentait chaque jour un précepte religieux, développé au verso par des citations de l’Écriture (la seule, l’unique).

Dans ma chambre enfin, je pouvais admirer face à mon lit, trônant en plein centre du mur, un luxueux calendrier Mercedes qui doit bien mesurer 80 x 50 cm.

La date ne suffit pas à assurer le ponctualité. À côté, sur la télévision, un gros réveil affiche l’heure en lumineux caractères rouges. Il en va de même dans la salle de bain – sans télévision – et dans la cuisine. Me voici donc à la tête de quatre réveils, sans compter ceux avec lesquels j’étais parti (deux seulement) et l’heure qui s’affiche sur le téléphone, les portables (Handys), l’ordinateur fixe… On voit bien jusqu’où la passion allemande de la ponctualité peut conduire.

Mon propriétaire n’est pas isolé, si j’en juge par l’étendue des rayons « calendrier » dans les magasins allemands et par les deux calendriers dont m’a gratifié l’institution qui m’héberge.


On peut également éprouver cette légendaire ponctualité dans la vie courante. Les magasins ouvrent et ferment précisément à l’heure dite. Les métros, les bus ou les tramways sont d’une ponctualité tout aussi métronomique. Quand des déménageurs vous disent qu’ils passent « à partir de 8 h 30 », ne croyez pas être livré à midi, mais attendez-vous plutôt à les voir sonner à 8 h 30.


Vivre en Allemagne ne se résume cependant pas à suivre le lapin blanc et sa montre. Un employé du chauffage, qui devait passer entre 11 h 30 et 12 h 30, a ainsi osé passer à 12 h 45, au risque de briser l’image que je me faisais de la Nation allemande et de ses valeurs. Pire, il arrive fréquemment que le S-Bahn (le train de banlieue de Munich) soit en retard, pour une raison simple : toutes les lignes devant passer dans le centre par les mêmes voies, un incident sur un seul de ces trains fait dérailler toute la belle horlogerie munichoise. Même les trains nationaux partent souvent avec du retard, peut-être à cause de la complexité des correspondances dans un pays décentralisé au possible. Mais ça fait mauvais effet.


Il est aussi un domaine où la ponctualité est toute particulière, l’université. Cours, conférences, séminaires, colloques, commencent à une heure fixe. Disons, par exemple, 10 heures. Mais si, en bon Français soucieux de faire aussi bien que les Allemands, vous êtes présent à 10 heures pile, vous serez le seul. Car tout, ou presque, commence « c.t. », cum tempore, soit un quart d’heure plus tard. C’est le quart d’heure académique de tradition et l’on ne rigole pas ici avec la tradition, même si c’est de non ponctualité. Encore que : le même Français, instruit par l’expérience décidera de n’arriver qu’à 10 h 15. Il ne trouvera aucune place pour s’asseoir, tout le monde étant arrivé entre 10 h 13 et 10 h 14. Il fera alors partie du lot des retardataires – car il y en malgré tout – qui cherchent une place fébrilement ou vont s’emparer à grand bruit d’une chaise dans la salle voisine. Pour lui compliquer la vie, il existe aussi des conférences qui commencent à l’heure pile, sine tempore, cela va de soi.

Pas de cela au Goethe Institut, où les cours commencent à l’heure. Mais où, excepté lors de la première heure du premier jour, je n’ai jamais vu un enseignant commencer à l’heure – ni, du reste, finir dans les temps. Les Allemands sont donc des gens ponctuels qui savent être en retard.

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